Art de faire le papier

 
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Avertissement

1ère partie - Art de faire le papier

§. 8
Art de faire le papier


§. 9 - §. 27
Histoire & origines


§. 28 - §. 68
De la matière au lavoir


§. 69 - §. 199
Des moulins


§. 200 - §. 319
De la matière affinée au collage


§. 320 - §. 351
De l'étendoir au lissoir


§. 352 - §. 380
Tri & formation des rames


§. 381 - §. 385
Du papier coloré


§. 386 - §. 389
De l'influence des saisons


§. 390 - §. 435
Papiers de Hollande & différents pays


§. 436 - §. 511
Des réglements qu'on a fait en France


§. 512 - §. 555
Des différentes matières qui pourraient servir à faire du papier


§. 556 - §. 596
Papiers de Chine & du Japon

  - Du papier de la Chine
  - Papier du Japon

2ème partie - Planches & Explications des planches

 

 
Papier du Japon

581. Dans l'appendice ou supplément de l'histoire du Japon par Engelbert Kaempfer, traduite en français sur la version anglaise de Scheuchzer, on trouve une description abrégée de la manière dont on fait le papier au Japon, avec la plante appelée kaadsi. Le nom botanique de cette plante dans Kaempfer est celui-ci, papyrus fructu mori celsoe, sive morus saliva, folus urticoe mortuoe, cortice papyrifera.

582. Chaque année, après la chute des feuilles, on coupe les jeunes rejetons qui sont fort gros, de la longueur de trois pieds au moins, et l'on en fait des paquets pour les mettre bouillir dans l'eau avec des cendres ; s'ils sèchent avant qu'on ait le tems de les faire bouillir, on les met dans de l'eau commune pendant vingt-quatre heures, pour leur rendre de l'humidité.

583. Ces paquets ou fagots sont liés fortement ensemble, et mis debout dans une grande et ample chaudière qui doit être bien couverte ; on les fait bouillir long tems, de manière que l'écorce, en se retirant, laisse voir à nu un demi-pouce de bois à l'extrémité de chaque pièce : on les laisse ensuite refroidir à l'air, on les fend pour en tirer l'écorce, et l'on fait tremper cette écorce dans l'eau pendant trois ou quatre heures.

584. Lorsque l'écorce est ainsi ramollie, on ratisse la peau noirâtre qui la couvre, et l'on sépare en même tems l'écorce forte qui est d'une année de crû, de l'écorce mince qui a couvert les jeunes branches ; la première donne le papier le plus blanc et le meilleur, la dernière donne un papier noirâtre d'une beauté passable : s'il y a de l'écorce de plus d'une année, mêlée avec le reste, on la trie de même, et on la met à part, parce qu'elle forme le papier le plus grossier et le plus mauvais de tous : on sépare de même les parties noueuses, grossières ou défectueuses, pour en former le papier le plus grossier.

585. Après que l'écorce a été suffisamment nétoyée, préparée et rangée selon ses différentes qualités, on la fait bouillir dans une lessive claire. Pendant tout le tems qu'elle bout, on la remue avec un gros roseau, et l'on y verse de tems à autre de la lessive claire pour abattre les bouillons, et réparer les pertes de l'évaporation. On laisse bouillir ces écorces jusqu'à ce qu'étant touchées légèrement avec les doigts, elles se dissolvent, et se séparent en manière de bourre, ou comme un amas de fibres décomposées.

586. Pour faire la lessive dont nous venons de parler, on met deux pièces de bois en croix sur une cuve ; on les couvre de paille ; on met sur cette paille des cendres mouillées ; on y verse de l'eau bouillante, qui à mesure qu'elle passe au travers de la paille pour tomber dans la cuve, s'imbibe des particules salines de la cendre, et forme cette lessive où l'on jette la matière du papier. L'écorce qui a bouilli dans cette lessive doit être lavée ; mais ce lavage est une opération très-délicate : si l'écorce n'a pas été lavée, le papier sera fort et aura du corps, mais il sera grossier et de peu de valeur : si elle a été lavée trop long-tems, elle donnera du papier plus blanc, mais fluant, et peu propre ; à écrire. C'est dans la rivière que se lave la pâte, au moyen d'une espèce de van ou de crible au travers duquel l'eau coule, e on la remue continuellement à force de bras, jusqu'à ce qu'elle soit délayée à la consistance d'une laine ou d'un duvet doux et délicat.

587. Pour faire le papier fin, on lave cette matière une seconde fois ; mais c'est dans un linge au lieu de crible, parce que plus on lave, plus l'écorce est divisée, en sorte qu'elle passerait enfin toute entière par le crible ; on a soin en même tems d'ôter les noeuds, la bourre, et autres parties hétérogènes, que l'on met à part pour les moindres espèces de papier.

588. La matière bien lavée se place sur une table de bois, fort épaisse et bien lisse, où deux à trois personnes la battent avec des bâtons d'un bois très dur appelé kusnoki, jusqu'à ce qu'elle soit si déliée qu'elle ressemble à du papier, qui à force de tremper dans l'eau, est réduit comme en bouillie, et n'a presque plus de consistance.

589. L'écorce ainsi atténuée se met dans une cuve avec l'infusion glaireuse et gluante du riz, et celle de la racine oreni (alcea radice viscosa, floroe ephemero magno puniceo, Kaempf.) qui est aussi fort glaireuse et gluante. On agite ce mélange avec un roseau, jusqu'à ce que les trois matières soient bien mêlées, et forment une substance liquide et égale. On se sert pour cela d'une cuve étroite : mais on verse ensuite cette pâte dans une cuve plus grande, à peu près semblable aux cuves d'ouvrier, dont on a vu la description §. 240. On tire de cette cuve les feuilles une à une avec des moules qui sont formés de jonc, au lieu de la verjure dont nous avons parlé §. 211 : on les appelle miis.

590. Il ne reste plus alors qu'à faire sécher ces feuilles de papier : pour cet effet on met les feuilles en piles sur une table couverte d'une double natte, et l'on met une petite pièce de roseau, qu'on appelle kamakura, c'est-à-dire coussin, entre chaque feuille : cette pièce qui déborde un peu, sert ensuite à soulever les feuilles et à les tirer une à une. Chaque pile est couverte d'une planche ou d'un ais mince, de la grandeur et de la figure des feuilles de papier, sur laquelle on met des poids du plus en plus forts par degrés, pour en exprimer l'eau. Le lendemain on ôte les poids, on lève les feuilles une à une avec le petit bâton, ou kamakura, et avec la paume de la main on les jette sur des planches longues et raboteuses, faites exprès ; les feuilles s'y tiennent aisément, à cause de l'humidité qui leur reste : on les expose ensuite au soleil, et lorsqu'elles sont parfaitement sèches, on les met en monceaux, on les rogne tout autour, et on les garde pour s'en servir.

591. L'infusion de riz, dont il a été parlé, sert à donner au papier de la blancheur et de la consistance ; elle se fait dans un pot de terre non vernissé, ou les grains de riz sont trempés dans l'eau. Le pot est agité d'abord avec douceur, et ensuite plus fortement ; à la fin on y verse de l'eau fraîche, et on passe le tout au travers d'un linge. Ce qui est demeuré dans le linge, se remet dans le pot avec de l'eau fraîche ; et on répète la même opération, tant qu'il reste quelque viscosité dans le riz. Celui du Japon est excellent pour ce travail ; c'est le plus blanc et le plus gras de l'Asie.

592. L'infusion gluante de la racine oreni se fait en mettant simplement dans l'eau fraîche cette racine pilée ou coupée en petits morceaux ; l'eau devient, en une nuit, glaireuse et propre à l'usage qu'on en veut faire ; il faut une quantité de cette infusion, différente suivant les saisons ; et tout l'art dépend, à ce qu'ils disent, de la juste quantité d'oreni.

593. Le papier grossier, destiné à servir d'enveloppe, est fait suivant le même procédé, avec l'écorce de l'arbrisseau kadse-kadsura, que Kaempfer appelle papyrus procumbens, lactesoens, folio longe lanceato, cortice chartaceo.

594. Le papier du Japon est très-fort : on en fait des feuilles si grandes, qu'elles suffiraient à faire un habit ; et il ressemble tellement à une étoffe, qu'on pourrait s'y méprendre.

595. Les nations Asiatiques deçà le Gange, excepté les Noirs qui habitent le plus au midi, font leur papier de vieux haillons des étoffes de coton, et leur méthode ne diffère en rien de la notre, excepté qu'elle n'est pas si embarrassée : leurs instrumens sont plus grossiers, mais ils s'en servent, avec plus d'adresse.

596. Ce papier des Orientaux, dont l'usage est bien plus ancien que celui de notre papier de chiffons, a sans doute donne l'idée de celui-ci : on ne doit s'étonner que de voir le nombre de siècles qui se sont écoulés avant que le commerce d'Asie ait donné à l'empire d'Orient l'idée de faire du papier par la trituration.







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