Art de faire le papier

 
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Avertissement

1ère partie - Art de faire le papier

§. 8
Art de faire le papier


§. 9 - §. 27
Histoire & origines


§. 28 - §. 68
De la matière au lavoir


§. 69 - §. 199
Des moulins


§. 200 - §. 319
De la matière affinée au collage

  - De la matière affinée
  - Des formes ou des moules
  - Des feutres
  - Cuve de l'ouvrier
  - Manière dont se forment les feuilles
  - Des fautes que les ouvriers des cuves peuvent commettre
  - Manière de presser les porses
  - De la presse
  - Du leveur
  - Manière d'étendre en pages
  - De la colle
  - Manière de faire cuire la colle
  - Travail du saleran qui colle le papier
  - Inconvénients qui peuvent avoir lieu dans le collage

§. 320 - §. 351
De l'étendoir au lissoir


§. 352 - §. 380
Tri & formation des rames


§. 381 - §. 385
Du papier coloré


§. 386 - §. 389
De l'influence des saisons


§. 390 - §. 435
Papiers de Hollande & différents pays


§. 436 - §. 511
Des réglements qu'on a fait en France


§. 512 - §. 555
Des différentes matières qui pourraient servir à faire du papier


§. 556 - §. 596
Papiers de Chine & du Japon


2ème partie - Planches & Explications des planches

 

 
Des formes ou des moules

211. La ferme ou moule du papier est un châssis garni de fils de laiton très-serrés, avec lequel on puise dans la cuve une portion de cette pâte presque liquide, qui, en desséchant, donne une feuille de papier.

212. La forme est composée de quatro tringles de bois formant le châssis, le cadre, ou l'affût, assemblées à angles droits on en équerre (52). Ce châssis est garni, sur la longueur, de quantité de fils de laiton fort minces et fort serrés qu'on nomme la verjure ; cette verjure est traversée et comme soutenue par d'autres fils qui forment les pontuseaux, sous lesquels sont de petits bâtons de sapin nommés les fûts, qui sont perpendiculaires aux fils de la verjure. On en voit un en KK (pl. VII, fig. 1). Pour ce qui est des dimensions, nous ne pouvons en parler qu'en prenant pour exemple une sorte de papier en particulier, puisqu'il y a autant de formes différentes qu'il y a d'espèces de papier. Choisissons donc le papier à la cloche, ainsi nommé à cause de la marque qui lui est affectée, et qui, en vertu des réglemens, doit décider de sa grandeur et de son poids ; il a quatorze pouces six lignes de large, sur dix pouces neuf lignes de hauteur. Le châssis ou la forme du papier à la cloche, est composé de deux tringles de bois, de quinze pouces dix lignes de long, et de deux autres qui n'ont que onze pouces neuf lignes. Ces tringles ont huit ou neuf lignes de largeur et environ quatre lignes d'épaisseur : ce sont ces quatre tringles qui composent l'affût.

213. Sur les deux règles les plus courtes sont fixés des fils de laiton, minces, et parfaitement dressés (53), auxquels on a donné un peu de recuit pour les rendre plus doux, qui sont d'égale épaisseur, et bien tendus ; ces fils forment la verjure, et on les voit dans la figure, de droite à gauche. Les deux règles plus longues, telles que AA (fig. 2), sont traversées par seize fûts DD, EE, distans les uns des autres d'environ onze lignes : ce sont des bâtons de sapin de 5 lignes de largeur sur 5 et demie d'épaisseur de haut en bas. Comme ils sont placés sous les fils que, nous avons nommés pontuseaux, on leur donne quelquefois aussi le nom de pontuseaux. Leur partie inférieure est arrondie ou comme cylindrique ; leur partie supérieure, qui porte la verjure, finit en forme de tranchant, comme on en peut juger par leur figure KK, II (fig. 1 et 3). Leurs deux extrémités sont arrondies en forme de tourrillons, et entrent de force dans les longues tringles de l'affût, qui les assemblent. Le tranchant ou le sommet de l'angle qui termine l'épaisseur des pontuseaux, affleure de niveau le haut du châssis, c'est-à-dire, la surface supérieure sur laquelle est la verjure.

214. Les pontuseaux qui sont aux deux extrémités de la forme, laissent un intervalle plus grand vers chaque extrémité de la forme, à droite et à gauche, que l'intervalle des autres pontuseaux ; dans cet intervalle de chaque pontuseau et de la tringle qui termine le châssis, on passe un fil de laiton comme M et N (fig. 5), plus gros que celui de la verjure, et qu'on nomme le transfil. Il sert lui-même de pontuseau, et les enverjures y sont parfilées, c'est-à-dire, cousues avec un autre fil de laiton beaucoup plus délié, qu'on nomme le manicordium.

215. Près de la tête de chaque pontuseau, en prenant pour la tête le bout par lequel on commence à faire la verjure, il y a sur la largeur de la tringle des chevilles de bois, plantées dans son épaisseur en A, A, et qui sont représentées séparément en II (fig. 4). De chaque cheville pendent des fils de laiton très-déliés, enveloppés par chaque bout sur de petits cylindres de bois G, G(fig. 4), de même qu'on met le fil d'argent autour des fuseaux ou des bobines des passementiers. Ainsi chaque fil de laiton a deux bobines, dont l'une pend au-dessous, ou, si l'on veut, en dedans de la verjure, et l'autre en dessus et en dehors, qui sont aussi du manicordium, et servent à parfiler la verjure sur les pontuseaux (54).

216. Quand le formaire (55) couche une enrerjure sur la longueur du châssis, il l'arrête aussitôt entre les deux brins de manicordium, en passant un fuseau du dehors en dedans et l'autre de dedans en dehors ; et ainsi pour chaque fil de la verjure, de même que les vanniers arrêtent les verges de leurs claies d'osier jusqu'à ce que le châssis soit plein. Il y entre environ 300 fils, plus ou moins, sur la hauteur DD ; le transfil M ou N, ne s'attache à la verjure que par un autre fil de laiton très-fin, qu'on tourne simplement autour du transfil.

217. Les bouts de chaque fil de verjure se perdent sur l'épaisseur du châssis, où ils sont recouverts d'une petite lame de cuivre, attachée au châssis par de petits clous de laiton, au niveau des pontuseaux et du transfil. C'est ce qui est représenté séparément en L (fig. 5). (56)

218. Les fûts ou pontuseaux de bois KK, II (fig. 1 et 5) sont aussi percés de plusieurs petits trous de droite à gauche, et de trois en trois lignes, dans lesquels on passe un autre fil de laiton très-fin, qui, repassant sur la verjure, sert à la tenir bien assujétie et bien fixe sur lotis les pontuseaux.

219. Pour rendre l'assemblage de la forme plus invariable et plus solide, on le garnit en dessous de petites équerres de cuivre PP (fig. 5), ou bien on fair la lame de cuivre qui couvre en L tous les bouts des enverjures, assez large pour être recoudée en équerre vers P, et clouée sur le retour des côtés du châssis.

220. On comprend assez que la grosseur des fils de la verjure, aussi bien que leurs distances mutuelles, varie suivant la qualité du papier que l'on fabrique ; car, pour retenir et pour égoutter une pâte plus forte et plus épaisse, il faut des fils plus gros et des intervalles plus larges ; mais en général il y a autant de vide que de plein.

221. La partie de la forme que l'ouvrier tient de la main droite, s'appelle les mains : le côté opposé s'appelle les pieds ; la mauvaise rive est le côlé qui est contre l'estomac de l'ouvrier ; le bord opposé s'appelle la bonne rive, parce que le papier est un peu plus fort de ce côté-là. C'est par la bonne rive qu'on pince le papier, quand on enlève les feuillets (57).

222. Sur cette forme ainsi préparée on applique un autre châssis de même grandeur, formé simplement de quatre tringles, tel qu'on le voit eu HH (fig. 6) ; c'est ce qu'on nomme la couverture des formes, en Auvergne la couverte. Elle fait un rebord ou élévation qui règne tout à l'entour, pour retenir la pâte presque liquide qu'on puise avec les formes, et qui coulerait très-vite par les bords, si rien ne s'y opposait dans les derniers instans. Cette couverture s'engage par une feuillure sur l'affût de la forme, en sorte qu'elle ne vacille point, mais qu'elle puisse aisément s'enlever.

223. Une seule couverture suffit pour les deux formes qu'on emploie dans le travail du papier ; car, comme on le verra §. 248, l'une des deux formes est toujours découverte au moment où l'autre se plonge dans la cuve avec sa couverture.

224. Les formes et les couvertes se font dans toutes les provinces où il y a des papeteries. En Auvergne, c'est le métier propre d'un grand nombre de gens qu'on appelle formaires ; il y en a sur-tout beaucoup à Aubert, petite ville située dans la plaine de Livradour, qui est au milieu des montagnes.

225. Les formes hollandaises ont des couvertes plus épaisses que les nôtres, comme on le dira §. 254.

226. La couverte ou le châssis qui recouvre une forme, doit avoir une rainure en dessous pour que le bordage joigne mieux à la forme. Le dessus de la couverte doit être bien arrondi. Par-ce moyen on facilite l'écoulement de l'eau qui se sépare de la matière pendant la formation d'une feuille.

227. Il faudrait aussi que la couverte, et le châssis même de la forme, fussent vernissés ; l'eau s'écoulerait par-dessus plus aisément, et l'on éviterait peut-être mieux les gouttes d'eau qui, tombant sur le papier, y font autant de taches ineffaçables.

228. L'impression de la verjure, et sur-tout celle des pontuseaux, s'aperçoivent toujours sur le papier lorsqu'on regarde au travers. La verjure y paraît comme une multitude de lignes blanches qui se tournent pour ainsi dire, et qui sont dans toute la longueur du papier. Les pontuseaux se font remarquer de distance en distance, sur la largeur du papier, en forme de lignes plus blanches et plus opaques (58). Cela vient de ce que la pâte ou la matière du papier ne peut jamais demeurer aussi épaisse sur les endroits solides et relevés, tels que les pontuseaux et les fils de laiton ; que dans les intervalles vides et creux, où elle coule naturellement. C'est pour cela qu'elle s'amasse en plus grande abondance aux deux côtés des fils (§. 254).

229. C'est par la même raison, qu'on aperçoit toujours fort aisément la marque du papier, et le nom du maître, qui doit toujours s'y trouver, parce que cette marque et ce nom y sont brodés par l'entrelacement d'un petit fil de laiton, autour de la verjure (59).



(52) Le châssis est fait de bois de chêne qu'on a laissé tremper long-tems dans l'eau, après avoir été débité et séché à plusieurs reprises, pour lui faire perdre entièrement sa sève, et empêcher qu'il ne se déjette. La grandeur de ce châssis, prise en dedans, est d'environ deux lignes plus grande sur toutes les faces que la grandeur du papier à la fabrication duquel on le destine.
(53) On lit dans l'encyclopédie la manière de dresser les fils de laiton. Le dressoir est un morceau de bois long de cinq à six pouces et large de deux ou trois. Le dessous qui s'applique sur la table, doit être imperceptiblement convexe plutôt que concave, afin que le fil pressé entre cet instrument et l'établi, soit fortement imprimé. L'ouvrier tenant les fils de laiton de la main gauche, la conduit le long de ce fil, en l'éloignant de la droite. Celle-ci promène en long le dressoir sur le fil et sert au dressoir comme de rouleau. De cette manière le fil reçoit un mouvement de rotation, qui tord et détord alternativement, et auquel la main gauche doit céder insensiblement ; en sorte que le dresseur sent tourner le fil entre ses doigts, à mesure qu'ils s'éloignent de l'établi, au plan duquel le fil doit être tenu parallèle. On connait que le fil est parfaitement redressé, lorsqu'étant posé librement sur un plan qui déborde d'un pouce, si l'on fait tourner cette partie entre les doigts, le reste du fil qui pose sur la table, tourne sur lui-même sans déplacer.
(54) La fabrication de la forme me paraît mieux expliquée dans l'Encyclopédie. Je vais mettre le lecteur à même d'en juger.
Les longs côtés, un peu convexes dans leur milieu, sont percés d'autant de trous qu'il y a de pontuseaux dans la forme, et deux de plus. Pour tisser la forme, le formaire prend un nombre de petites bobines chargées d'une quantité convenable de fils de laiton recuit, et ayant tordu ensemble les extrémités de ces fils, il fait entrer cette partie dans un des trous à l'extrémité des pontuseaux, où il arrête ce commencement de chaînette avec une cheville de bois. Il en fait autant à l'extrémité de chaque pontuseau. Ainsi il faut quarante bobines pour les chaînettes qui règnent le long des vingt pontuseaux. Il en faut encore deux autres pour chaque transfil. Le formaire place le châssis dans une situation inclinée, et il le retient dans cet état par le moyen de deux vis, fourchettes, ou mains de fer. Le choses en cet état, les transfil tendus, les fuseaux attachés le long du côté inférieur de la forme, et les fils de ces fuseaux écartés l'un de l'autre en forme d'V consonne, le formaire prend un des fils de la dressée, et le couche de toute sa longueur dans ses V que forment les fils des fuseaux. Ensuite, commençant par une des extrémités, il fait faire au premier fuseau un tour par-dessous le transfil, en sorte que le fil de trame demeure lié au transfil. Il prend ensuite de chaque main un des deux premiers fuseaux, et tord l'un sur l'autre par un demi tour les fils dont les fuseaux sont chargés. Il forme ainsi un nouvel V destiné à recevoir un nouveau fil de trame. Il continue la même opération le long du fil de trame vis-à-vis de la vive arête de chaque pontuseau, et finit par faire un transfil qui est à l'autre extrémité, la même opération qu'il a faite au premier. Alors il prend un nouveau fil de dressée, et l'étend dans les nouveaux V que forment les fils de fuseaux, et continue jusqu'à ce que la toile soit entièrement formée. Pour achever la forme, il ne reste plus qu'à tendre fortement les chaînettes le long des vives arêtes des pontuseaux, à fixer leurs extrémités par de petites chevilles de bois, et à coudre les tamis sur les pontuseaux par un fil de laiton très-délié, qui, passant sur les chaînettes, repasse dans le trou dont chaque pontuseau est percé.
(55) Ouvrier qui fait les formes.
(56) Cette petite lame de cuivre se nomme en allemand, der Sturz. On remarque aussi dans les formes allemandes, une traverse, pareille aux pontuseaux, qui peut avoir de 4 à 6 pouces de long. On la nomme Queersteg.
(57) Toutes ce dénominations de la forme sont inconnues en Allemagne. On ne remarque pas qu'un bon ouvrier fasse le papier plus fort d'un côté que de l'autre, sans doute parce qu'il corrige ce défaut d'un coup de main. Lorsque la forme est remplie, l'ouvrier a soin de pencher les formes de son côté, et c'est par-là que s'écoule la plus grande quantité d'eau.
(58) Il semble que ces lignes sont plus transparentes ; ce qu'il est aisé de vérifier en présentant contre le jour une feuille de papier.
(59) Pour faire cette marque sur la forme, on prend du fil de laiton de la grosseur de celui des dressées ; on le ploie de manière qu'il suive exactement les contours du dessin ou des caractères que l'on veut représenter. On soude ensemble avec de la soudure d'argent et au chalumeau, les parties de ces contours qui se touchent, ou on en fait la ligature avec un fil plus fin. On applique ensuite ces filigrammes sur la forme, en sorte que les empreintes se trouvent sur le milieu de chaque demi-feuille de papier, où elles paraissent en regardant le jour à travers. On attache toutes ces marques sur la toile de la forme, avec du crin de cheval, ou du fil de laiton très-délié.





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