Art de faire le papier |
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De l’éfilochage, et de l’affinage
155. L'opération des moulins à papièr a déjà été décrite à l'article des maillets ou pilons ; nous verrons actuellement la manière dont elle se pratique au moyen des cylindres dont on vient de lire la description. On distingue deux opérations des cylindres, celle d'éfilocher, et celle d'affîner : opérations qui, quoique fort semblables dans le fond, diffèrent par plusieurs circonstances. 156. Les drapeaux, au sortir du dérompoir ou de la faux, doivent être mis sous les cylindres éfilochoirs ou épluqueurs ; là ils sont lavés d'abord, ensuite déchirés et broyés pendant quatre, cinq ou six heures ; de là on les porte sous les cylindres affineurs, pour y être froissés et atténués pendant six ou sept heures : au reste, la durée de ce travail varie considérablement, et dépend beaucoup de la vitesse de l'eau. On prétend qu'une machine bien montée, lorsque toutes les parties sont entières, que les eaux sont bonnes, que le chiffon est bien délissé et bien pourri, peut éfilocher en deux heures et affiner en trois heures ; cependant nous ne voudrions pas répondre d'une si grande célérité. On juge que la matière est assez éfilochée, à peu près comme nous l'avons dit en parlant des pilons d'Auvergne : on en prend une poignée, on en exprime l'eau, on la sépare par le milieu ; si on y voit dans l'intérieur des filamens courts, écrasés, velus, semblables à des pieds de mouches, et d'une contexture homogène, on estime que l'éfilochage est fini. 157. Les cylindres éfilocheurs ne sont pas aussi près de la platine que les affineurs (§. 132) ; il y faut un espace suffisant pour que des substances encore grossières et filamenteuses puissent passer. A mesure que la pâte est plus délayée ; on rapproche le cylindre de la platine. Au commencement de l'opération, le cylindre en est éloigné d'un travers de doigt, ou de sept à huit lignes, et cette distance se diminue en deux tems, ou à deux reprises différentes, pendant la durée de l'opération, jusqu'à n'être pas d'une demi-ligne. 158. Les cylindres affineurs sont d'abord éloignés d'environ trois ou quatre lignes de la platine ; mais une demi-heure après, on les abaisse de manière qu'il y ait à peine l'épaisseur d'une petite pièce de monnaie. A en juger même par le bruit que le fabricant veut toujours entendre, disant que le cylindre doit ronfler, il paraît que le cylindre effleure sans cesse la platine. 159. Les cylindres éfilocheurs diffèrent encore des affineurs, en ce que les premiers n'ont point de gouttière ou rainure sur chacune des barres de fer dont le cylindre est garni. Cette rainure sert, dans les cylindres affineurs, à multiplier les inégalités de la surface, et par conséquent à saisir les chiffons par un plus grand nombre de points. 160. Les chapiteaux diffèrent aussi dans ces deux sortes de cylindres. Pour éfilocher, on emploie un châssis garni de fil de laiton ou de verjure ; c'en est assez pour empêcher le passage d'une pâte encore grossière : mais pour affiner, il faut de plus un châssis de crin qui se place derrière le châssis de verjure, c'est-à-dire au dehors, pour tenir lieu du kas dont nous avons parlé ci-dessus. Alors le châssis de verjure ne sert qu'à briser l'effort de la pâte qui frappe sans cesse contre lui (41) ; et le châssis de crin sert à filtrer l'eau, qui, sans cette précaution, emporterait avec elle la portion la plus raffinée de la substance qui se travaille (42). 161. La cuve à affiner exige aussi beaucoup moins d'eau que la cuve à éfilocher ; le courant qu'on établit pour achever de laver et de dégraisser le chiffon, n'est pas si fort ; on ne donne, pour ainsi dire, qu'un filet d'eau ; et quelquefois vers la fin on l'arrête totalement. Il faut alors fermer le chapiteau avec une planche, qui retienne tout à fait l'écoulement de l'eau. Voilà pourquoi on a vu que le réservoir qui est dans la partie gauche de l'atelier, est beaucoup moindre que celui qui est dans la partie droite. Celui-ci sert aux cylindres éfilocheurs, et le premier aux affineurs seulement. 162. La quantité de chiffons qui entrent dans les cuves à éfilocher, dont on a vu les dimensions (§. 119), est d'environ cent vingt livres ; mais dans les cuves à affiner, il entre environ cent soixante livres de pâte éfilochée, parce que c'est une matière spécifiquement plus pesante que le chiffon ; d'ailleurs il faut moins d'eau pour l'affinage que pour l'éfilochage : ainsi il reste plus d'espace pour la matière que l'on doit éfilocher. 163. Pendant la durée du raffinage, il est fort essentiel de spatuler souvent, c'est-à-dire de remuer les drapeaux avec une longue perche, de les aller chercher dans les angles et de les ramener dans le courant qui doit les conduire sous le cylindre ; sans cela, il se formera des flocons et des grumeaux d'une matière qui ne sera point faite, quand le reste de la cuve sera suffisamment affiné. La négligence et l'oubli des ouvriers à cet égard nuit beaucoup à la bonté et à l'égalité du papier. 164. La durée de l'affinage n'est pas toujours la même ; il faut l'expérience d'un habile fabricant, pour juger du tems où la pâte doit être retirée de la cuve. Les grandes sortes de papier demandent une matière moins affinée ; la vitesse du courant d'eau, qui n'est pas la même dans les différentes saisons de l'année, y met aussi une fort grande différence. D'ailleurs, la fermentation qui a préparé la mouillée, avant qu'elle passât sous les cylindres, n'est pas toujours la même ; elle est plus forte, toutes choses égales, en été ; et l'attention des fabricans à retirer les chiffons du pourrissoir n'est pas toujours assez exacte pour arrêter le pourrissage au même degré. On avait voulu fixer la durée de l'affinage par le moyen d'une horloge ; mais on a été forcé de renoncer à cette règle, et d'abandonner la chose au coup-d'œil et à l'expérience du fabricant. Si l'on affine des coutures, du bufle, ou du drapeau un peu verd, il faut quelquefois une heure de plus que pour le drapeau ordinaire. 165. Pour savoir si la pâte est suffisamment affinée, on en prend une poignée, on la noie dans un seau d'eau, on fouette cette eau, on la verse lentement dans la cuve ; on regarde attentivement, en la versant, si elle est bien homogène, bien fluide, enfin si elle blanchit l'eau, sans laisser apercevoir de molécules, ou de parties non broyées : c'est l'état où celle matière doit être en sortant des cylindres affineurs. 166. Lorsqu'une machine est bien construite, douze cylindres peuvent entretenir perpétuellement trente cuves d'ouvriers ; et telle était la destination primitive de la manufacture de Montargis : mais dans l'état actuel il est rare, qu'on puisse même employer six cylindres à la fois ; il n'y a pas cinq pieds de chute vers les coursières. Les eaux que fournit le canal de Montargis sont peu abondantes, et sujettes à de grandes inégalités par les sécheresses ou par les pluies, et le jeu des pompes emploie une partie de la force des roues. Aussi a-t-on proposé, depuis l'élablissement de la manufacture, de faire construire encore quelques cylindres dans un autre lieu du canal, où il y a plus d'eau et plus de chute. Lorsqu'on est pressé pour l'ouvrage, on éfiloche plus longlems, et la durée de l'affinage est abrégée ; mais alors on augmente le déchet. Il y a moins de perte à laisser la pâte sous les cylindres affineurs, où il passe moins d'eau, pourvu qu'elle n'y reste pas assez pour se graisser. 167. Outre les cylindres éfilocheurs et les cylindres affineurs, on emploie encore en Hollande une troisième préparation analogue à celle des piles de l'ouvrier ou des maillets affleurans, dont nous avons parlé ci-dessus : c'est celle des cylindres affleurans que l'on peut appeler du nom de moussoir, ou émoussoir ; on envoit un en A (planche VI, fig. 1). C'est là qu'on porte la pâle déjà affinée, pour écraser les bros, et la délayer encore mieux, avant qu'elle aille aux cuves des ouvriers. L'on évite ainsi l'inconvénient de laisser trop longtems la pâle sous les cylindres affîneurs : ce qui la rend trop grasse, trop courte, augmente le déchet, et rend le papier plus cassant. 168. Les cylindres affleurans, tels que AA, sont totalement de bois ; comme ils ne sont pas destinés à de grands frottemens, ou à une forte trituration, ainsi que les cylindres affineurs, ils n'ont pas besoin d'être fortifiés et revêtus de ces barres tranchantes qu'on voit dans les autres cylindres (§. 151). 169. On avait d'abord construit à Montargis, des moussoirs que l'on a supprimés dans la suite ; ils étaient élevés sur un beffroi, éloignés des cuves à ouvrer de cinquante à soixante pieds. La pâte, en coulant sur un si long espace, était exposée à se salir et à se perdre en partie : d'ailleurs ces moussoirs chargeaient encore la roue qui était obligée de leur communiquer le mouvement à une assez grande distance ; on a mieux aimé y renoncer, et s'assujétir à porter la pâte dans la cuve à ouvrir, presque au sortir de l'affinage.
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