Le Moulin du Verger

papeterie artisanale depuis 1539 & atelier de reliure manuelle

Sommaire de Art de faire le papier

Effets du pourrissoir

60. La fermentation ou le pourrissage rend le papier uni, caillé, doux, et lui donne du poids. Si elle est arrêtée trop tôt le papier en devient crud, dur, léger, fort, mais exige plus de tems pour être travaillé ; la fécule voltige et se dépose moins facilement. C'est une matière sauvage, suivant le langage des ouvriers.

61. On a cru observer aussi, dans une expérience faite à Montargis sur du beau chiffon qui n'avait point été pourri, que la fécule était comme engagée dans une substance visqueuse, ce qui l'empêchait de se précipiter uniformément sur la verjure (23) : cela prouverait que le pourrissoir aide encore à dégraisser le chiffon. Si d'un autre côté on laissait le chiffon fermenter trop long-tems, il y aurait pour le fabricant un déchet considérable ; il faudrait beaucoup plus de matière pour une même quantité de papier, parce que les parties atténuées par la fermentation, seraient trop promptement emportées par le lavage. Si enfin on laissait la mouillée s'échauffer encore plus long-tems, elle se réduirait comme en poussière, ou s'en irait en fumée et en charbon.

62. Quoique l'action du pourrissoir soit propre à abréger le travail du papier et à faciliter l'opération du moulin, il y aurait plusieurs avantages à s'en passer, s'il était possible de détruire la liaison et le tissu des toiles, et de les dégraisser, sans-en avoir auparavant corrompu la substance en les faisant pourrir (24). Si l'on entreprenait de réduire les chiffons en pâte sans employer la fermentation, le papier en serait plus fort, moins cassant et plus blanc. Quelques fabricans disent que le pourrissoir donne, du moins à la surface de chaque chiffon, un oeil jaunâtre que le moulin ne leur ôte qu'avec peine, et n'ôte pas entièrement si le chiffon est trop pourri.

63. Du moins dans l'état actuel, où l'on emploie généralement le pourrissoir, il serait très-utile d'observer les précautions que nous avons indiquées à l'occasion du délissage (§. 44 et 45). Les Chiffons qui sont plus ou moins forts, plus ou moins usés, résistent inégalement au pourrissage ; les uns sont déjà gâtés lorsque les autres n'ont pas encore éprouvé la première fermentation ; il faudrait donc faire pourrir ensemble des chiffons assortis avec grand soin, si l'on ne veut pas courir risque d'altérer toute la mouillée par le mélange d'une portion de drapeaux trop différente de tout le reste.

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