Manuel Roret du Relieur |
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§ 2. - Collationnement
Pour collationner, on saisit le livre de la main gauche, on élève cette main vers l'angle supérieur, et de la main droite on ouvre les cahiers par le dos, en les écartant assez pour pouvoir lire la signature du premier cahier, on laisse alors tomber chaque cahier l'un sur l'autre, et l'on s'assure si les signatures se suivent dans l'ordre voulu. On examine également si toutes les feuilles appartiennent au même volume. Dans le cas contraire, on suspend le travail jusqu’à ce qu’on se soit procuré la feuille qui manque, et l’on met de côté celle qu’on a de trop, pour la rendre à celui à qui elle apppartient, afin qu’il complète l’exemplaire auquel elle pourrait manquer. Une autre précaution importante consiste à replier les feuilles qui ont été mal pliées. Enfin, on examine s’il y a ou non des cartons à placer. On nomme cartons, des feuillets que l’auteur a eu l’intention de substituer à d’autres qu’il veut supprimer, soit pour corriger quelques fautes typographiques trop importantes ou trop considérables pour faire partie de l’errata, qui se place ordinairement à la fin du volume, soit pour faire quelque changement notable. Les imprimeurs désignent ces cartons par une marque de convention qui est ordinairement un astérisque, c’est-à-dire une petite étoile. Cette marque se place à côté de la signature, lorsque la page porte une signature, ou à la place de la signature, lorsque celle-ci ne doit pas se trouver sur cette page. Quelquefois aussi, mais rarement, elle accompagne le chiffre de la pagination. Dans la vue d’éviter toute erreur dans le placement des cartons, on emploie l’un des deux moyens suivants : 1° Dans le magasin où l’ouvrage s’assemble, on déchire, par le milieu de sa longueur, le feuillet qui doit être supprimé, ce qui avertit le relieur, qui cherche alors le carton. 2° On imprime, à la tête du livre, un petit avis au relieur, qui indique les places où il faut intercaler les cartons, les tableaux, les planches, etc. Quand le relieur a préparé ses cartons pour être mis en place, il coupe, dans la marge du côté du dos, le feuillet qu’il veut supprimer, en laissant, de ce côté, une petite bande qu’on nomme onglet, sur laquelle il colle proprement le carton, de manière que les chiffres de la pagination de ce carton tombent exactement sur les chiffres du feuillet qui précède, comme sur ceux du feuillet qui suit. Cette opération se fait plus proprement comme nous venons de l’indiquer, que si l’on avait coupé le feuillet dans le pli du dos sans laisser d’onglet ; car alors on serait obligé de coller le carton sur les deux côtés du dos, ce qui serait très désagréable à la vue, lorsqu’on ouvrirait le livre en ce point. Les in-folio et les in-quarto se collationnent avec un poinçon, en soulevant les feuilles ; mais il faut s’abstenir de ce moyen le plus qu’il est possible, afin d’éviter les trous que fait le poinçon. S’il y a des tableaux à intercaler dans le texte, il faut avoir soin de les coller immédiatement, de la manière que nous venons d’indiquer pour les cartons, c’est-à-dire que l’on forme un pli qu’on colle comme un onglet, en faisant attention que les tableaux soient placés exactement vis-à-vis des pages qu’ils doivent regarder ; et si leur justification est égale à celle du texte, on les dispose de manière qu’ils soient placés juste sur la justification du texte. Si, au contraire, cette justification est plus grande, en largeur ou en hauteur, que celle du texte, on les plie de façon qu’après les plis ils ne débordent pas, soit en hauteur, soit en largeur, la justification du texte. Ce que nous venons de dire des tableaux, s’applique absolument aux planches ou gravures hors texte, sauf qu’il ne faut les mettre en place qu’après le battage. Il est essentiel de faire ici une observation importante. Il n’est pas besoin d’onglet pour les planches plates, c’est-à-dire, pour les planches qui n’ont pas besoin d’être pliées. Quand, au contraire, les planches sont plus grandes que la justification du texte, on ne peut pas se dispenser de les plier ; alors on ajoute un onglet qu’on met double, afin de conserver au dos la même épaisseur que le volume doit avoir devant, à cause du pli de la planche. Lorsque le volume contient un nombre considérable de planches ou de tableaux, que l’auteur a eu l’intention de réunir à la fin du volume, le relieur en forme des cahiers de quatre ou cinq planches chacun, plus ou moins, selon le nombre qu’il en a ; il coud ces cahiers sur un surjet, dont les points sont distants l’un de l’autre de 4 millimètres environ. Ce sont les fils de ces points qui serviront à les assembler avec le texte de l’ouvrage, quand il s’agira de la couture. On peut encore monter les planches sur un onglet à un ou deux plis de retour, ce qui permet de réunir les planches en cahiers ; ainsi établi, le livre s’ouvrira mieux que si les planches étaient surjetées, opération économique qui est souvent cause de la destruction de la reliure. La manière de plier les planches, pour les placer à la fin des volumes, demande des soins et plus d’intelligence qu’on ne suppose. En premier lieu, il faut toujours les faire sortir en entier hors des volumes, afin que le lecteur puisse les consulter, sans difficulté, en lisant leurs descriptions : pour cela on colle à chacune un morceau de papier blanc d’une grandeur suffisante, si les planches n’en portent pas assez, et c’est sur ce papier blanc qu’on coud, comme nous l’avons dit. En second lieu, il faut avoir soin en les pliant, de ne faire que la plus petite quantité de plis possible. Quand on veut faire un atlas particulier de toutes les planches, l’opération donne lieu à plusieurs observations, que nous allons développer. 1° Si les planches sont d’un format in-folio, on peut les réduire en un volume in-quarto, en les pliant par le milieu, bien exactement, et les coller sur un onglet double, afin de conserver toujours la même épaisseur dans le dos et dans la tranche; mais il faut avoir soin de faire ce double onglet assez large, pour que la planche, en s’ouvrant, présente une surface bien horizontale et ne montre aucun pli dans le dos, qui puisse nuire soit à la lecture, soit au calque si on en avait besoin. 2° On en userait de même si l’on voulait réduire les planches in-4° en un atlas de format in-8°. 3° Dans tous les cas, on ne doit faire que les plis indispensables, et ils doivent être disposés de telle sorte qu’à la rognure on ne puisse pas les atteindre, ce qui couperait les planches. 4° Il est inutile d’ajouter, que lorsque les planches sont réunies en atlas, on n’a pas besoin de les agrandir en y collant du papier blanc, puisqu’elles ne doivent pas sortir du volume, comme celles qui sont placées à la fin ou dans le corps des volumes. 5° On ne doit placer les planches ou gravures, autant que cela est possible, qu’après que le volume est battu. Cette recommandation ne se rapporte qu’aux planches qui accompagnent le texte. Lorsqu’on a reconnu que tout est en règle, si le livre a été lu en brochure, par conséquent si les feuilles ont été coupées, on visite tous les feuillets l’un après l’autre. On redresse les coins qui pourraient avoir été pliés, et l’on examine si la marge de tête est, à peu de chose près, égale partout. Dans le cas de la différence de marge, cela prouverait que les feuilles ont été mal pliées : alors il faut les compasser, afin de ne pas se mettre dans le cas d’enlever au volume entier trop de marge à la rognure, ce qui est extrêmement désagréable. Pour éviter ce défaut, on examine, sur un feuillet bien plié, quelle est la marge qu’il présente ; l’on ouvre son compas à cette distance ; on plie bien exactement chaque feuillet, en faisant tomber les chiffres de la pagination l’un sur l’autre, et on l’intercalle à sa place, en mettant un peu de colle au dos de la feuille courte. Ce moyen suffit pour coller assez cette feuille courte sur celle qui suit, afin qu’elle ne glisse pas dans les opérations subséquentes, pendant lesquelles on secoue souvent le volume pour en égaliser les feuilles. On ne rencontre pas, dans un cahier, un feuillet court, qu’on n’en trouve en même temps un plus long de toute la quantité qui manque au feuillet court. C’est ici que le compas est nécessaire, car si on laissait cet excédant, ce feuillet rentrerait plus que les autres, dans le secouage, et l’ouvrage présenterait une irrégularité insoutenable. Alors on marque, avec le compas, deux points, l’un vers le commencement de la ligne et l’autre vers la fin, et l’on coupe cet excédant avec des ciseaux, ou mieux avec une règle de fer et un couteau, en dirigeant la règle sur ces deux points. On coupe à la fois les deux feuillets l’un sur l’autre, après les avoir pliés avec soin, comme il a été dit ci-dessus. Par ce moyen, tous les feuillets se présenteront au couteau à rogner à une distance égale, et ils offriront tous une même marge. Les feuillets courts qu’on y remarquera se trouveront intercalés à des distances plus ou moins grandes ; ils ne paraîtront pas lorsque le volume sera fermé : on ne les verra qu’à la lecture. Loin de nuire à la réputation du relieur, comme ils ne seront pas de son fait, ils seront une preuve incontestable des soins qu’il a pris pour corriger la faute commise, avant lui, par la plieuse, faute qu’il lui est impossible de réparer autrement. C’est pour éviter toutes ces imperfections que les relieurs soigneux préfèrent recevoir les ouvrages en feuilles, afin d’en pouvoir exécuter eux-mêmes le pliage ou du moins le faire effectuer sous leurs yeux. On ne refait presque jamais le pliage pour les livres déjà reliés. La chose est pourtant possible, mais on n’y a recours que lorsque les ouvrages ont une certaine valeur. Dans ce cas, on obtient une cadence de feuillets qui permet d’en rafraîchir les tranches sans les raccourcir à la vue. Lorsque toutes ces opérations sont terminées, on doit assurer la solidité du commencement et de la fin du volume. Le meilleur moyen d’obtenir ce résultat, est le surjetage du premier et du dernier cahier. Mais cette méthode, assez dispendieuse, ne garantit que ces deux cahiers ; les gardes ne sont pas garanties, malgré la sauve-garde et même à cause de celle-ci, qui se colle à plat sur les gardes. Il est préférable de garnir les premier et dernier cahiers d’un onglet de 3 à 6 centimètres de largeur, en papier de bonne qualité et d’épaisseur variable, suivant les formats des volumes. On colle cet onglet à la largeur de 2 à 3 millimètres sur la partie antérieure du cahier, puis on le rabat en entier à l’extérieur. Lorsque le pli est fait, on colle, au-dessus et à fleur du dos, la sauve-garde, qui reste mobile et que l’on peut toujours soulever lorsqu’on le veut. Cette disposition permet de placer, après le grecquage, les gardes blanches, qui, autrement, seraient trouées par cette opération. Cet onglet protège les gardes ainsi que les premier et dernier cahiers du volume, ce qui est très important. Quelques relieurs ont l’habitude, pour les travaux soignés, de coudre les gardes aux volumes ; ce procédé est bon si le papier qui a servi à l’impression est de très bonne qualité, ce qui est l’exception aujourd’hui. En ce cas, on doit, intercaler deux gardes l’une dans l’autre, le premier feuillet servant de sauve-garde et le quatrième se fixant par un collage étroit sur toute la longueur du volume. |
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