Manuel Roret du Relieur |
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§ 2. - L'ivoire
On sait que l'IVOIRE du commerce est la matière blanche et excessivement dure qui constitue les dents de certains animaux terrestres ou marins, tels que l'Eléphant, l'Hippopotame, le Cachalot, le Morse, le Narval, etc. Celui qu'emploie le relieur est exclusivement fourni par les deux grosses dents, ou défenses, qui, partant de la mâchoire supérieure de l'Eléphant, sortent de la bouche, l'une à droite, l'autre à gauche, sur une longueur de 50 centimètres à près de 3 mètres. En conséquence, c'est de lui seul qu'il sera question dans les paragraphes suivants. Bien que l'ivoire ait la même composition chimique que les os, on le distingue très facilement de ces derniers. Premièrement, il est beaucoup plus dur et son grain est infiniment plus fin. Deuxièmement, sa coupe transversale présente un tissu losangé, une multitude d'aréoles rhomboïdales, caractère que n'offrent jamais les os. Il existe deux espèces d'Eléphants : l'Eléphant des Indes, appelé aussi Eléphant d'Asie, et l'Eléphant d'Afrique. L'Eléphant des Indes habite toute l'Asie méridionale, c'est-à-dire l'Inde proprement dite et l'Indo-Chine, plusieurs contrées de l'Asie centrale et les grandes îles de l'Archipel indien. Quant à l'Eléphant d'Afrique, on le rencontre dans toutes les régions boisées du centre et du sud du continent africain, depuis le Sénégal et l'Abyssinie jusqu'au cap de Bonne-Espérance. Les pays producteurs d'ivoire sont donc très nombreux ; mais l'ivoire qu'on en retire ne présente ni les mêmes teintes, ni la même finesse de grain, ni la même dureté, etc. De là les différentes sortes d'ivoire qu'on trouve dans le commerce, et dont les unes sont préférables aux autres suivant l'usage particulier qu'on veut en faire. Malheureusement, elles n'ont pas encore été assez complétement étudiées, leurs caractères n'ont pas encore été suffisamment déterminés, pour qu'il soit possible de les distinguer toujours avec certitude. L'ivoire d'Afrique est généralement regardé comme supérieur à celui d'Asie ; mais le fait est loin d'être établi, du moins pour tous les cas. Quoiqu'il en soit, voici quelles sont les principales sortes commerciales de l'un et de l'autre : L'ivoire de guinée : il nous arrive de la côte occidentale d'Afrique : c'est celui qui passe pour le meilleur. Il est très dur, très pesant et d'un grain fin. D'abord d'un blond jaunâtre un peu translucide, il devient peu à peu très opaque. En outre, il blanchit de plus en plus, à mesure qu'il vieillit, tandis que les autres sortes, dans les mêmes circonstances ; prennent une teinte jaune plus ou moins foncée. L'ivoire du Cap : il vient de l'Afrique du Sud et porte le nom de la ville qui est censée être le siège principal de l'exportation. Il est moins dur que le précédent et sa couleur varie du jaunâtre au blanc mat. L'ivoire du Sénégal, l'ivoire d'Abyssinie : ils ont à peu près les mêmes caractères que celui du Cap. L'ivoire des Indes : il est généralement blanc, mais d'un blanc plus ou moins pur, quelquefois même rosé. Il renferme plusieurs variétés, parmi lesquelles deux surtout sont estimées, savoir : l'ivoire de Ceylan et l'ivoire de Siam. L'ivoire dit de Bombay leur est très inférieur. En outre, bien qu'il porte le nom d'une ville indienne, il n'a pas une origine asiatique : c'est un ivoire africain qu'on tire de la côte orientale d'Afrique, principalement par Zanzibar. Quelle que soit la provenance de l'ivoire, qu'il soit fourni par l'Eléphant d'Afrique ou par l'Eléphant d'Asie, quand on scie une dent dans sa longueur, on la trouve souvent colorée intérieurement en plusieurs nuances. Ainsi, certaines parties sont jaunes, d'autres sont rosées, d'autres enfin ont une teinte olivâtre. Toutefois, ces dernières ne se rencontrent que dans les défenses enlevées récemment à l'animal. On ne les trouve jamais dans l'ivoire mort, c'est-à-dire dans les défenses dont les possesseurs sont morts depuis longtemps. L'ivoire à couleur olivâtre est communément désigné sous le nom d'ivoire vert. Ainsi qu'on vient de le voir, c'est la partie interne des dents qui ont été arrachées depuis peu de temps à l'animal. Au moment ou en débitant une de ces dents, on l'amène au jour, il est plus tendre et se travaille plus facilement que les autres parties de la même dent ; mais il durcit peu à peu et, en même temps, il acquiert une blancheur éclatante que l'action de l'air n'altère pas. Ces circonstances le font mettre de côté avec soin, et on le réserve pour les ouvrages de luxe. Outre l'ivoire vert, il y a aussi un ivoire bleu. Ce dernier se retire de dents d'animaux de la famille de notre Eléphant, dont l'espèce a disparu depuis une époque immémoriale et probablement antérieure à l'apparition de l'homme. Ces dents se rencontrent dans le sein de la terre, où, par un séjour de plusieurs milliers d'années, elles se sont lentement pénétrées de sels métalliques qui leur ont communiqué la coloration qui les caractérise. Elles sont surtout abondantes en Sibérie et dans l'Amérique du Nord. Les relieurs achètent les plaques d'ivoire dont ils ont besoin, chez des marchands qui les leur fournissent toutes prêtes à être fixées sur les livres. Il n'est donc pas nécessaire que nous leur apprenions comment on travaille cette matière. Mais ce qui pourra leur être utile à connaître, c'est qu'il est possible de débiter une dent, non pas de manière à la dérouler, comme on l'a dit improprement, mais à en extraire des feuilles d'une longueur véritablement surprenante. Ainsi, par exemple, nous nous rappelons avoir vu, à l'exposition de Paris, en 1855, une feuille de ce genre qui n'avait pas moins de 2 mètres de long sur 66 centimètres de largeur. Comme ces feuilles sont peu épaisses et très légères, elles donnent le moyen de mettre à la portée des personnes peu aisées des reliures habituellement assez chères. Cela est infiniment préférable à l'usage, adopté par certains éditeurs, de faire relier les livres de mariage ou de première communion, à bon marché, avec des planchettes de houx ou de quelqu'autre bois analogue, recouvertes d'un vernis qui leur communique une fausse apparence de l'ivoire. Quelques mots maintenant sur le blanchiment de l'ivoire jauni. Beaucoup de procédés ont été indiqués pour cela ; mais aucun ne produit des résultats tout à fait satisfaisants, il y en a même dans le nombre dont il faudrait se garder de se servir. En voici un cependant qui, sans être parfait, n'a du moins aucun inconvénient. Il consiste à brosser l'objet d'ivoire avec de la pierre ponce calcinée, réduite en poudre impalpable et délayée dans de l'eau, puis à le renfermer, encore humide, sous une cloche de verre que l'on expose à l'action directe du soleil, pendant plusieurs jours. Au bout d'un certain temps, l'ivoire a repris sa première blancheur et, malgré la chaleur élevée à laquelle il a été soumis pendant son exposition, il est rare qu'il s'y soit produit quelque gerçure. D'après le chimiste Cloez, on blanchit complétement l'ivoire jauni, et d'une manière beaucoup plus prompte, en le mettant dans une caisse vitrée contenant de l'essence de citron ou de l'essence de térébenthine. Il faut avoir soin que les objets ne touchent pas l'essence, et l'on obtient ce résultat en le posant sur un ou plusieurs petits supports en zinc ; sans cette précaution, ils ne manqueraient pas d'être plus ou moins détériorés. Si l'on opère au soleil, trois ou quatre jours suffisent pour que l'ivoire devienne d'une blancheur éblouissante. Si c'est à l'ombre, la durée de l'exposition doit être un peu plus longue. |
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