Manuel Roret du Relieur

 
Accueil » La Reliure » Manuel Roret du Relieur » Deuxième partie - Reliure » Chapitre 9
 
  « Table des matières

Préface

Première partie - Brochage

Deuxième partie - Reliure

Considérations générales

Chapitre 1
Matières employées par le relieur


Chapitre 2
Atelier et outillage du relieur


Chapitre 3
Opérations du relieur


Chapitre 4
Racinage et marbrure de la couverture


Chapitre 5
Marbrure sur tranche


Chapitre 6
Dorure et gaufrure


Chapitre 7
Reliure mécanique


Chapitre 8
Reliures diverses


Chapitre 9
Renseignements divers

   Reliure des grands journaux
   Reliure de quelques gros livres
   Démontage des livres
   Nettoyage des livres
   Moyens de préserver les livres des insectes et des vers
   Moyens de préserver les livres de l'humidité
   Imitations des reliures étrangères
   Procédé de MM. V. Parisot et J. Girard pour donner aux reliures l'odeur et l'aspect du cuir de Russie
   Choix des reliures et conservation des livres

 

 
Procédé de MM. V. Parisot et J. Girard pour donner aux reliures l'odeur et l'aspect du cuir de Russie

On fabrique aujourd'hui en France les cuirs parfumés qu'on importait autrefois de Russie. L'odeur particulière de ces cuirs, qui les fait rechercher, est due à une huile essentielle contenue dans l'écorce du bouleau, à laquelle on a donné le nom de bétuline. Nous allons en indiquer la préparation, bien que ce ne soit pas le relieur qui l'extraie et qui s'en serve pour donner à son cuir l'odeur et l'apparence du véritable cuir de Russie.

On Prend 1,500 grammes d'écorce externe de bouleau. Après l'avoir séparée de l'écorce interne et l'avoir divisée convenablement avec des ciseaux, on la place dans un alambic avec 10 litres d'alcool à 33°. On laisse macérer pendant deux heures, on fait ensuite chauffer au bain-marie jusqu'à ce qu'on retire deux litres d'alcool ; on arrête le feu, puis on laisse refroidir, mais incomplétement ; on filtre la liqueur encore un peu chaude, et l'on traite le résidu à trois reprises différentes de la même manière ; la quatrième fois on fait macérer l'écorce avec l'alcool chaud pendant vingt-quatre heures. Au bout de ce temps, on chauffe de nouveau, et l'on filtre comme dans les opérations précédentes.

« Les liqueurs provenant de ces diverses opérations étant rassemblées, une grande quantité de bétuline se précipite par le refroidissement, la liqueur surnageante est introduite dans un alambic et soumise à la distillation au bain-marie jusqu'à ce qu'on retire la plus grande partie de l'alcool ; le résidu est versé immédiatement dans un vase en porcelaine. Par le refroidissement, la liqueur se prend en une masse semblable à la gelée. Cette masse est une nouvelle quantité de bétuline ; le tout est placé sur un filtre, afin de séparer les dernières portions du liquide qu'elle peut contenir, et ensuite placée à l'étuve pour en déterminer la dessiccation. Des 1,500 grammes d'écorce employée, on obtient 350 grammes de bétuline.

« Nous avons vu, comme MM. Duval-Duval l'avaient déjà remarqué, qu'on ne pouvait extraire complétement toute la bétuline contenue dans l'écorce de bouleau.

« On emploie, pour préparer les 350 grammes de bétuline, 10 litres d'alcool ; et l'on retire 7 litres et demi, ce qui fait un quart de perte.

« On a dépensé, pour combustible, 1 franc, ce qui fait revenir les 350 grammes de bétuline à 6 francs 65c. Toutefois, nous devons faire observer que si l'on opérait en grand, le prix de la bétuline serait moindre.

« On a pris 15 grammes de bétuline, qu'on a introduit dans une cornue à laquelle on avait adapté un récipient ; ceci fait, on a porté la cornue à une chaleur modérée qu'on a augmenté successivement ; la bétuline a commencé par se liquéfier, puis la chaleur augmentant, elle s'est décomposée. Il a passé à la distillation, sous forme de vapeurs d'un jaune clair, une huile d'abord fluide qui est devenue plus épaisse à la fin de l'opération, les vapeurs étaient plus jaunes et plus abondantes.

« Il resta dans la cornue un produit charbonneux.

« Le produit obtenu de cette distillation pesait 10 grammes ; il avait une consistance oléagineuse, il était d'un brun foncé, d'une odeur forte et insupportable, insoluble dans l'eau, dans l'alcool; mais soluble en très grande quantité dans l'éther sulfurique.

« Le prix de ces 10 grammes obtenus se composait ainsi qu'il suit :

15 grammes de bétuline, à 10 c. le gram. 1 fr. 50

Cornue et récipient . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

Combustible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 fr. 40

« Nous avons fait dissoudre 2 grammes de cette huile de bétuline dans 20 grammes d'éther sulfurique, puis, avec cette liqueur, nous avons opéré de la manière suivante pour enduire la reliure de cette substance. Lorsque le livre est relié et qu'on va appliquer sur le carton la peau qui doit le couvrir, on enduit ce carton des deux côtés au moyen d'un pinceau avec l'huile de bétuline dissoute dans l'éther ; on laisse évaporer l'éther, puis on recouvre avec la peau comme dans la reliure ordinaire, on colle les gardes. Plusieurs livres ainsi reliés ont une odeur agréable de cuir de Russie : 2 grammes ont suffi pour un volume in-8°.

« Voulant nous assurer si nous pouvions employer l'huile empyreumatique d'écorce de bouleau, nous avons agi de la manière suivante :

« Nous avons pris 100 grammes d'écorce externe de bouleau, divisée convenablement ; nous les avons introduits dans une cornue à laquelle nous avons adapté un récipient pour recueillir les produits volatils nous avons placé cette cornue ainsi disposée dans un fourneau à réverbère, puis nous avons chauffé ; elle se décomposa et fournit des vapeurs blanches, épaisses, qui vinrent se condenser dans le récipient que l'on avait fait plonger dans un vase contenant de l'eau froide.

« Peu à peu ces vapeurs devinrent plus épaisses, plus colorées ; la liqueur qui s'écoulait dans le récipient était plus dense. Au bout de deux heures, la décomposition était complète ; il restait dans la cornue un charbon volumineux. Le produit de la distillation pesait 64 gram. ; mais il était formé de deux couches, une supérieure épaisse, ayant l'odeur d'huile de bétuline, odeur altérée par l'acide pyroligneux provenant de la décomposition du bois qui sert de support à la bétuline : la couche inférieure était colorée en jaune foncé, pesant 4 grammes : elle était formée par de l'eau contenant une petite quantité d'acide pyroligneux en dissolution.

« Cette seconde couche fut séparée de la première qui fut conservée pour nous servir dans les opérations suivantes. Une certaine quantité de cette huile empyreumatique fut saturée par la craie (carbonate de chaux) délayée dans une petite quantité d'eau, puis laissée en contact pendant un jour, en ayant soin d'agiter de temps en temps. Au bout de ce laps de temps, on laissa déposer et l'on décanta de manière à séparer les deux couches. La couche supérieure fut conservée. Nous avons pris 2 grammes de cette huile saturée et 2 grammes d'huile non saturée ; nous avons fait dissoudre chacune de ces huiles dans 20 grammes d'éther, comme nous l'avons fait pour l'huile de bétuline pure, puis fait relier des livres avec chaque liqueur. Nous avons alors reconnu qu'avec l'huile empyreumatique saturée par le carbonate de chaux, on obtenait une reliure dont l'odeur se rapprochait de celle fournie par l'huile de bétuline pure. Quant à la reliure faite avec l'huile empyreumatique, elle avait une odeur désagréable d'acide pyroligneux. Comme on le voit, on pourra se procurer des reliures qui auront l'odeur de cuir de Russie, à un prix peu élevé, avec l'huile empyreumatique de l'écorce de bouleau saturée par la craie.

« On pourra, si l'on veut, se servir de l'huile pure de bétuline pour obtenir une reliure qui aura une odeur plus agréable de cuir de Russie. On pourra aussi, de cette manière, conserver les livres sans altération.

« Cette huile peut non-seulement s'appliquer sur les livres reliés en peau, mais encore en papier ; elle ne tache pas la reliure et n'empêche en aucune façon le travail du relieur. »

La peau qui convient le mieux pour fabriquer le cuir de Russie artificiel est celle de la vache, bien tannée puis lavée à plusieurs reprises et enfin teinte en rouge. Cette peau acquiert un aspect très agréable quand, au moyen d'une éponge, on l'humecte, du côté coloré, avec de la gélatine dissoute dans l'eau. Seulement, cette eau gélatineuse ne doit pas être trop concentrée, et l'on ne doit pas l'appliquer sur le cuir dans une trop forte proportion.






Fabrication du papier . Le lexique du papier . Atelier de reliure . Reliure d'art . Le lexique du relieur . Venir nous voir . Contact

© 2000-2024 Moulin à papier - Le Moulin du Verger - Papeterie artisanale - 16400 Puymoyen - France
21/12/2024 19:38:58 - réalisation : Laurent Michon, 2006-2009
  Valid HTML 4.01 Transitional