Manuel Roret du Relieur |
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Reliure de quelques gros livres
Les gros volumes d'église qu'on place sur les lutrins, pour servir aux choristes à chanter l'office, et les grands registres de bureaux, présentent quelques différences dans la reliure. Nous devons les faire connaître, afin de ne rien négliger de ce qui peut compléter cet ouvrage. En 1820, Naissant s'était fait une juste réputation pour la reliure de ces gros livres. On doit observer que, comme ces volumes sont extrêmement grands et très lourds, on est obligé, pour les rendre solides, de faire une couture très soignée. En outre, comme ils ont besoin de s'ouvrir parfaitement, il faut les faire à dos brisé, et par la même raison, les coudre à la grecque. Toutefois, comme cette couture n'offre pas toute la solidité qu'ils exigent, il vaut mieux les coudre sur de forts lacets de soie, ou au moins sur de forts lacets étroits de fil. On ne devrait pas regarder à une légère dépense de plus pour employer le lacet de soie : le volume en serait incomparablement plus solide. On met à ces gros livres, à l'imitation des relieurs anglais, des nerfs d'environ 1 centimètre de largeur, et deux ou trois fois plus épais que les nerfs ordinaires. Les nerfs se décollent facilement lorsqu'un arrondit le faux dos, à moins qu'on n'ait la précaution de placer celui-ci sur le livre, de l'y fixer entre les nervures, et d'y coller les nerfs. Alors les faux-dos et les faux-nerfs prennent justement la forme du dos, et ne courent pas le risque de se décoller en ouvrant. On ne saurait apporter trop de solidité à de pareils livres ; aussi convient-il d'imiter à leur égard les procédés des anciens relieurs, qui garnissaient le dos de chaque cahier d'une bande de parchemin, afin que le grattoir et le frottoir n'altérassent pas le papier. Grollier faisait même rouler du parchemin sur la corde dont il se servait comme d'un nerf. Cette corde excédait la largeur de la tranchefile de 3 centimètres par chaque bout, et ce bout de corde, appointé comme un nerf, était collé sur le carton en dedans. Cela serait très bon pour les gros livres. On couvre les antiphonaires en entier avec du bon veau noir, et les registres de bureau avec du mouton vert chamoisé, le côté de la chair en dehors. Quelque-fois le dos seulement de ces derniers est en parchemin vert, mais le plus souvent on les couvre en entier avec de la peau chamoisée. Nous avons fait observer qu'après la rognure, et au moment de coller la peau sur le dos, on met une carte, qui est collée sur le dos, mais n'est point collée sur le volume, ce qui permet à celui-ci de se détacher du dos pour s'ouvrir parfaitement. Le procédé est ici le même ; la seule différence consiste à substituer à la carte une tôle battue, à laquelle on a donné auparavant la forme du dos et l'on en couvre cette tôle de peau ou de parchemin. Pour les registres de bureaux, on emploie une feuille de laiton ayant également la forme du dos, mais qu'on laisse à découvert. Inutile d'ajouter qu'avant de placer la feuille métallique, il faut coller solidement sur le dos du volume une forte toile. On fait la coiffe en tête et en queue en cuivre jaune ou laiton, qu'on attache sur la tôle, après qu'elle est couverte en peau ou en parchemin, avec des petits clous du même métal, dont la tête est en dehors, que l'on rive par derrière. Autrefois on faisait les couvertures en bois, mais il y a longtemps qu'on a abandonné cette méthode, parce que les vers s'y mettaient, et les feuillets du volume étaient souvent rongés. Aujourd'hui on emploie le carton battu et laminé, dont on colle plusieurs épaisseurs l'une sur l'autre, jusqu'à ce qu'on lui ait donné une consistance suffisante. On arme tous les angles de coins en cuivre jaune ou laiton. De plus, lorsqu'on veut donner encore plus de solidité à la couverture, on en enchâsse les bords, tout autour, dans de doubles bandes du même métal, ce qui forme un cadre métallique parfait. Ces bandes se placent d'abord et se fixent avec des clous aussi de cuivre. Les coins se posent après et couvrent les bouts des bandes ; ils sont également assujettis avec des clous semblables, dont les têtes sont toujours en dehors et à rivures en dedans. On met encore sur les plats de la couverture, à égale distance des coins, ce qui forme un carré long, quatre plaques carrées qui sont emboîtées dans le milieu, et présentent une bosse demi-sphérique de 3 cent. de diamètre. Ces plaques qui s'appellent bosses, se fixent sur les plats comme les coins, par des clous dont la rivure est en dessous. C'est sur ces bosses que les gros livres d'église reposent et frottent sur le lutrin ; de sorte que la couverture est garantie par elles. Elles servent aussi a arrêter les bandes de cuir garnies de laiton au moyen desquelles on tient le livre fermé, lorsqu'il ne sert pas. Les registres de bureaux n'ont jamais de bosses et assez rarement des bandes sur les bords des cartons ; mais ils ont des coins en laiton. Ces garnitures sont unies et sont fixées aux couvertures de la même manière que ci-dessus. L'on voit que, par cette construction, la tranchefile est inutile, aussi l'a-t-on supprimée ; cependant pour ne rien laisser à désirer, nous allons indiquer les procédés qu'on employait autrefois pour garantir les dos de ces livres. La tranchefilure des antiphonaires ne ressemble nullement à celle que nous avons décrite ; elle se divise en simple et en double. On se sert de lanières de peau passée en mégie, qu'on coupe, autant qu'il se peut, assez longues pour pouvoir tranchefiler avec une seule lanière sans être obligé d'en ajouter ; on enfile cette lanière a dans une aiguille b, fig. 64 ; on place le volume dans la presse à tranche filer qu'on pose devant soi, la gouttière tournée de ce côté. On perce, avec un fort poinçon, le dos de dedans en dehors, et le plus près qu'on peut du mors ; on retire le poinçon, et dans ce même trou on substitue l'aiguille, qu'on fait sortir au point c ; on laisse pendre un haut de la lanière en dedans ; on pique, avec le poinçon, un second trou à côté du premier en d, on ramène la lanière, de c en f, en lui faisant couvrir le bout qu'on a laissé pendre, et qu'on a rabattu sur le dos en dehors ; on fait entrer son aiguille dans un second trou d, en la faisant sortir de dedans en dehors au point d ; on croise l'aiguille sous la première passe c, comme on le voit en b, pour lui faire former le noeud ou chaînette c ; on ramène la lanière de d en h, pour la faire sortir par le point i ; on forme un nouveau noeud ou chaînette, et ainsi jusqu'à ce qu'on soit arrivé à l'autre mors du livre. Alors on fait entrer le bout de la lanière en dedans, et on l'y colle contre le carton. On recouvre les noeuds ou chaînettes, du bout de la lanière qui sort par un mors, embrasse le livre dans l'épaisseur du dos, et est collé en dedans du carton à l'autre mors. Toute la différence de la tranchefilure double, consiste dans la seconde chaînette, qui se fait de même que la précédente, mais qui est placée de manière qu'elle touche la tranche des feuillets. Cette construction n'a plus lieu aujourd'hui, parce qu'on les relie à la grecque ; elle serait utile seulement pour soutenir la tête et la queue du volume, et garantir les ornements du dos, qui s'useraient bien vite par le frottement. Depuis qu'on a imaginé de se servir des bosses, elles soutiennent suffisamment le dos en l'air pour qu'on n'ait pas besoin de ces sortes de tranchefiles, qui, quoi qu'en aient dit les anciens, et quoi qu'en disent quelques modernes, déparaient plutôt le volume qu'elles ne l'ornaient. Ces ornements étaient placés après que la reliure était entièrement terminée, le dos doré et poli, de sorte que l'ouvrage était toujours sali avant d'être rendu. |
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