Manuel Roret du Relieur |
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§ 1. - Reliure dite arraphique
Tandis que de nombreux et importants perfectionnements ont successivement amélioré plusieurs branches de la reliure, la partie spécialement relative à la réunion des feuilles, à la confection du dos et à l'ouverture des livres et des registres, est restée stationnaire. En effet, dans la reliure, même la mieux soignée, les livres et les registres, en s'ouvrant, forment une sorte de gouttière au milieu, et ont besoin d'être fortement retenus pour rester ouverts. Cela provient de ce que jusqu'à présent les feuilles étant réunies par cahiers, il faut de toute nécessité les coudre ensemble. Ces cahiers étant réunis entre eux et attachés au dos du livre, empêchent celui-ci de s'ouvrir. Par la nouvelle méthode proposée, tous ces inconvénients disparaissent, puisque les livres et les registres, même les plus épais et du plus grand format s'ouvrent sur une surface tellement plane, que l'on peut écrire sur un grand livre d'un côté à l'autre avec autant de facilité que l'on écrirait sur une simple feuille. On conçoit, en effet, que chaque feuille étant réunie séparément une à une, on obtient un seul plan pour les deux pages, et comme le dos est fait sans fil ni couture, on évite la gouttière formée par la marge intérieure de toute espèce de livres ou de registres reliés d'après l'ancien système. Ce procédé de reliure convient, d'après l'inventeur, aux albums de dessins, aux atlas de géographie ou à ceux qui accompagnent des volumes, aux volumes ou aux partitions de musique, enfin aux collections de lettres, de journaux, de manuscrits, même en feuillets séparés, qui n'auraient pas de marges intérieures, et à tous les documents qu'il faudrait rogner pour les relier d'après la méthode ordinaire. La matière employée a, en outre, l'avantage de détruire les insectes produits par l'humidité et les changements de température, bien différente en cela de la colle, qui engendre les vers. Dans les latitudes les plus élevées, on parvient ainsi, suivant l'inventeur, à préserver les registres et les livres des ravages auxquels ils sont sujets. Enfin, les changements de température n'ayant aucun effet sur cette matière, on ne craindra pas de déformer un livre en lisant près du feu. Dans ce mode de reliure, les feuillets ne sont pas réunis par cahiers au moyen d'une couture appropriée, suivant la reliure ordinaire ; ils sont collés l'un à l'autre par la tranche à l'aide d'une dissolution de gomme élastique ou caoutchouc, on en forme une couche fort tenace et assez épaisse par des applications successives. On conçoit dès lors que les deux feuillets ainsi collés ne forment aucune gouttière et s'étendent à volonté sur une surface plane. On conçoit aussi que la matière agglutineuse ne soit pas du tout susceptible d'engendrer des insectes et des vers. On conçoit également que cette méthode est excellente pour relier ainsi des cartes ou des gravures, qu'elle a le grand avantage de ne pas exiger qu'on les unisse par cahiers au moyen d'un surjet, que la marge se conserve, de cette façon, bien large, bien nette, et que toutes les tranches étant bien saisies par la matière agglutinative, il y a en même temps solidité, propreté, élasticité complètes. Mais il se présente une importante difficulté quand il s'agit d'appliquer le procédé arraphique à un livre ordinaire. En effet, les feuilles dont il devra se composer, sont pliées en cahiers, et ce sont ces cahiers qu'il faut réunir par la gomme élastique. Il est clair qu'alors le centre du cahier ne serait pas fixé ou le serait du moins d'une manière très imparfaite. Pour obvier à ce grave inconvénient, il n'est qu'une ressource qui est elle-même une sujétion et un nouvel inconvénient. En effet, il est indispensable de couper la feuille d'impression en feuillets pour réunir ceux-ci deux à deux à l'aide du caoutchouc, tenu en dissolution. Or, cette disposition qui oblige à mettre ainsi les feuilles en morceaux, a quelque chose d'étrange et d'extrêmement désagréable, quoiqu'en définitive dans la reliure ordinaire, la feuille soit bien coupée forcément sur toutes les tranches, excepté celle qui est cousue, et qu'il importe peu qu'elle soit aussi coupée sur cette tranche s'il est, impossible de le soupçonner, et si ce sacrifice ajoute à la solidité et à l'agrément de la reliure. Les procédés à l'aide desquels on dissout le caoutchouc sont trop connus pour qu'il soit nécessaire de les décrire ici. Nous terminerons donc en disant que le froid doit donner une espèce de raideur aux reliures arraphiques, ainsi qu'il rend raides et dures toutes les préparations en gomme élastique. Nous ajouterons enfin qu'un livre relié par cette méthode, d'ailleurs assez ingénieuse, ne peut plus être relié par les anciens procédés, et que Lesné, si fort indigné contre Delorme, qui rognait les livres par le dos, et remplaçait la couture par la colle forte, aurait tonné contre la reliure arraphique, laquelle, quoiqu'en dise l'inventeur, est un véritable vandalisme et n'a été, que nous sachions, pratiquée par aucun relieur intelligent. |
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