Manuel Roret du Relieur |
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§ 1. - Machines à battre
Le battage est une opération trop longue pour qu'on l'effectue dans la reliure industrielle ; on s'y contente de cylindrer légèrement les volumes. On a cependant essayé : d'exécuter le battage mécaniquement. Tel a été l'intention de l'inventeur de la machine représentée en perspective par la figure 14. Toutefois, dans l'idée de son auteur, elle était spécialement destinée à préserver les ouvriers du danger des hernies, auquel ils sont exposés quand ils n'ont pas la précaution de rapprocher suffisamment les jambes l'une de l'autre. « Cette machine, est toute entière en fonte et en fer. « Elle se compose d'un bâti très solide sur lequel s'élèvent, au milieu de sa longueur, deux jumelles qui supportent les tourillons de deux forts cylindres roulant sur des coussinets de bronze. Ce grand bâti est désigné par les lettres a, a, etc. Les deux cylindres b b' sont supportés chacun séparément par de doubles coussinets en bronze, de même que les cylindres d'un laminoir. « Ces cylindres ont un mètre de longueur, abstraction faite de leurs tourillons ; leur diamètre est d'environ 27 centimètres ou un tiers de la longueur du cylindre. La force motrice ne s'exerce directement que sur le cylindre inférieur ; le cylindre supérieur n'est mis en mouvement que par le contact médiat ou immédiat du cylindre inférieur, comme on va le voir dans un instant. « Le cylindre supérieur est supporté par ses deux coussinets à l'aide de deux vis o, o, qui s'engagent par une de leurs extrémités dans les écrous taraudés dans ses coussinets. Ces vis sont rivées par leurs extrémités supérieures, au centre de deux roues f, f, à dentures hélicoïdes, dans lesquelles engrènent des vis sans fin, à simple filet et du même pas, portées toutes les deux par le même axe g. Une manivelle h, qu'on tourne à la main, fait monter ou descendre de la même quantité les deux tourillons à la fois, de sorte que les deux cylindres s'approchent ou s'éloignent toujours parallèlement entre eux. « L'ouvrier qui fait mouvoir la machine s'exerce sur la manivelle i ; il fait tourner l'arbre m, m, en entraînant le volant k, k. L'arbre m, m porte un pignon n qui, engrenant dans la roue p, fait tourner le pignon q, lequel, en même temps engrenant dans la roue r, la fait tourner ; cette roue étant fixée sur le tourillon du cylindre inférieur b, lui imprime un mouvement de rotation très lent. « Rarement on a besoin d'employer plus d'un homme pour force motrice, mais dans le cas où un second serait nécessaire, on a ménagé à gauche, au bout de l'arbre m, m une tige carrée sur laquelle on place la manivelle additionnelle l, fig. 15 ; alors on a une force double ; mais jusqu'à présent on n'a pas eu besoin de l'employer. « Vers le milieu de la grosseur du cylindre inférieur b', environ à la hauteur du trait s, est solidement fixée sur le bâti, une planche ou tablette que la figure ne représente pas, afin de ne cacher aucune des pièces qui se trouvent dessous, mais que le lecteur concevra facilement. Cette tablette sert de table à l'ouvrier, qui se place de ce côté pour introduire les feuilles entre les deux cylindres, comme on va le voir. Cette planche, qui a 2 1/2 centimètres d'épaisseur, couvre en entier, et excède même de quelque chose toute la surface supérieure du bâti. C'est devant cette table que se place, sur une chaise suffisamment élevée, l'ouvrier qui introduit les feuilles de papier entre les deux cylindres. Cet ouvrier est, par conséquent, placé en X, la face tournée vers les cylindres. « Sur le côté opposé est fixée, immédiatement au-dessus du bâti, une autre table de même dimension que la première, devant laquelle se place un enfant de dix à douze ans, la face tournée vers les cylindres. Cet enfant, assis en Y, sur une chaise suffisamment élevée, n'est occupé qu'à recevoir les feuilles au fur et à mesure qu'elles s'échappent de dessous le laminoir, et à les entasser dans le même ordre qu'elles tombent. « La machine bien comprise, voici comment on opère. « Nous désignerons les deux ouvriers par X et Y. « L'ouvrier X, à qui l'on remet les volumes l'un après l'autre, dont les feuilles sont bien pliées selon leur format, et collationnées, et par conséquent en cahiers, prend un cahier l'un après l'autre, et l'introduit par l'angle du dos entre les deux cylindres, en commençant vers sa droite, et le soutient jusqu'à ce qu'il soit engagé. « On conçoit qu'avant d'introduire le premier cahier, on a réglé l'écartement des deux cylindres, en tournant plus ou moins la manivelle h, et que cet écartement varie selon l'épaisseur à laquelle on veut réduire le papier. « Aussitôt que l'ouvrier X a introduit le premier cahier, il en engage un second sur la gauche, puis un troisième, etc., toujours en continuant sur la gauche, jusqu'à ce qu'il ait parcouru et couvert tout le cylindre. Alors le premier cahier qu'il avait introduit est tombé du côté de l'ouvrier Y, dont nous allons bientôt nous occuper. L'ouvrier X continue toujours de même jusqu'à ce qu'il ait terminé ce volume, puis il en commence un autre, et continue toujours de même. « Pendant ce temps, le petit ouvrier Y ramasse les cahiers au fur et à mesure qu'ils tombent sur la table, et les entasse dans le même ordre, c'est-à-dire en renversant les cahiers sens dessus dessous, afin qu'ils soient dans l'ordre naturel lorsqu'on les retourne. Il sépare les volumes et les pose sur une table à côté de lui. « La roue r a soixante-douze dents, et pendant qu'elle fait un tour, le pignon q, qui a douze dents, fait six tours. « Le pignon q porte la roue p, qui a quatre-vingt-dix dents, laquelle engrène dans le pignon n, de dix-huit dents, auquel elle fait faire par conséquent cinq tours. Ainsi cinq tours de manivelle font faire un tour à la roue p, mais chaque tour de la roue p fait faire, par le pignon q, de douze dents, six tours à la roue r, et cette dernière roue, de même que le cylindre b' ait un tour par chaque trente tours de manivelle. « Les ouvriers battent à la main deux exemplaires par heure, et la machine en lamine quatorze. Le batteur est payé à raison de 3 francs 25 centimes par jour, et la mécanique emploie trois personnes qui coûtent ensemble 4 francs 50 centimes. Il résulte de là que la mécanique fait pour 4 francs 50 centimes l'ouvrage qui nécessiterait sept ouvriers coûtant ensemble 22 francs 75 centimes ; elle procure donc chaque jour un bénéfice de 18 francs 25 centimes. « La machine anglaise à battre opère plutôt un satinage qu'un battage proprement dit, et il est présumable que cet effet n'échappe pas à un oeil exercé. Dans tous les cas, elle peut très bien servir à battre des ouvrages courants et où l'on ne cherche pas la beauté du travail, ou bien à accélérer le travail du battage qu'on reprend ensuite à la main pour les objets soignés. « Dans l'état actuel de la mécanique, rien ne serait plus facile que de construire une machine sur le modèle des marteaux-pilons des forges, ou semblable à celle dont se servent actuellement plusieurs batteurs d'or à Paris, et qui servirait à battre les livres par un procédé tout à fait semblable à celui qui se pratique à la main, avec une perfection remarquable et sans fatigue ni danger pour l'ouvrier. « Une machine de ce genre expédierait moins d'ouvrage que la machine anglaise, mais aussi le travail en serait plus parfait, elle coûterait moins de première acquisition et ne nécessiterait pour son service qu'un seul ouvrier qui la ferait mouvoir avec le pied. « Dans les grands établissements de reliure ou dans des ateliers spéciaux de battage, la machine serait manoeuvrée par la vapeur, et alors, comme avec le marteau-pilon, on pourrait la faire battre en commençant avec une extrême légèreté, et à mesure que le travail avancerait, augmenter la force des coups jusqu'à ce qu'on aurait atteint le but désiré. » |
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