Manuel Roret du Relieur |
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§ 2. - Dorure sur le dos et la couverture
Quand on veut dorer la couverture d'un livre, on fait deux opérations, qui consistent, l'une à coucher l'or, l'autre à le fixer. La première est l'ouvrage du coucheur d'or, la seconde celui du doreur proprement dit. L'un et l'autre commencent par le dos, continuent par le dedans des cartons, puis passent au bord sur l'épaisseur de ces derniers, et terminent par les plats. 1° Opérations du coucheur d'or 1. Outillage L'outillage du coucheur d'or, comprend tous les outils et instruments du doreur sur tranche, notamment les boîtes à renfermer l'or, le coussinet pour le poser, le compas, les pinceaux et les tampons de coton pour le transporter, le couteau pour le couper, etc. On y trouve, en outre, les objets suivants : 1° Un huilier (fig. 72) ; c'est une petite boîte en bois ou en fer-blanc, dont un côté A B est élevé, et qui renferme un godet C dans lequel on met de l'huile de noix bien limpide. Il est muni d'un couvercle D que l'on tient constamment fermé lorsqu'on ne travaille pas, afin de garantir l'huile de la poussière ou des ordures qui pourraient la salir. Cette boîte est étroite et longue, sa largeur intérieure est suffisante pour contenir le godet au milieu, et de chaque côté un espace vide d'environ trois centimètres. Sa longueur est assez grande pour renfermer certains outils ; 2° Une éponge ; c'est un morceau d'éponge fine fixé au bout d'un manche de bois que l'on fait plus large du côté où doit être l'éponge que dans tout le reste ; 3° Un bilboquet G (fig. 76) ; c'est une plaque de bois de 1 centimètre et demi de large sur 8 centimètres de long, qui est doublée en drap collé par dessus H, et qui porte au milieu de sa longueur un manche I ; 4° Un couchoir J, en buis ; c'est une planchette longue d'environ 16 centimètres sur 2 millimètres d'épaisseur, dont la section présente à peu près la forme d'un S (fig. 77). 5° Une carte ; ce n'est autre chose qu'un morceau de papier pâte tel que nous l'avons décrit plus haut ; 6° Des pinceaux doux de poils de blaireau ; on en a de plusieurs formes, de ronds et de plats qu'on nomme palettes (fig. 78) ; 7° Deux billots cubiques de même hauteur et de même dimension ; on s'en sert pour étendre les deux couvertures dessus, en faisant tomber, entre les deux, les feuilles du volume. Par ce moyen, on a la facilité de coucher l'or sur les plats sans danger d'enlever les parties déjà couchées (fig. 79) ; 9° Un petit compas (fig. 81) ; Le bilboquet, le couchoir, la carte et le compas se renferment dans le tiroir de l'huilier. Il faut beaucoup de propreté dans le travail du coucheur d'or ; son atelier ne doit avoir aucun courant d'air qui s'opposerait aux opérations et ferait perdre beaucoup d'or. 2. Travail du coucheur d'or Comme son nom l'indique, le travail du coucheur d'or consiste à découper les feuilles d'or et à les disposer sur les points qu'elles doivent occuper, et qui ont été préalablement apprêtés par le doreur, c'est-à-dire encollés et glairés. Le coucheur prend un cahier d'or, l'ouvre à l'endroit où se trouve une feuille, passe le couteau par dessous celle-ci, la soulève, la porte sur le coussin, l'y pose, et l'étend parfaitement en dirigeant un léger souffle sur son milieu. Cela fait, après avoir pris avec un petit compas, la largeur et la longueur des places où il doit coucher l'or, il coupe la feuille avec le couteau en tenant celui-ci par le manche, le tranchant sur les points marqués, appuyant d'un doigt de la main gauche sur la pointe de la lame, et enfin en agitant légèrement son outil comme s'il sciait. Notons, en passant, qu'avant de prendre l'or, on applique sur chaque endroit apprêté, et bien sec, une couche imperceptible d'huile de noix avec l'éponge, ou un pinceau à palette large et doux, ou un pinceau ordinaire selon les emplacements où l'on doit le poser. Très souvent, on doit se servir de suif, que l'on étend sur un morceau de drap, et qui remplace l'huile avec d'autant plus d'avantage, qu'il tache beaucoup moins. On passe avec le bout du doigt le drap, ainsi apprêté, sur toutes les places où cela est nécessaire. Il est même préférable pour le doreur, de prendre des livres ainsi couchés, plutôt que s'ils étaient préparés avec l'huile, puisqu'il doit comprendre que le cuir est moins imbibé avec le suif qu'avec l'huile. Après cette préparation, soit avec la carte dédoublée ou le morceau de papier pâte, soit avec le bilboquet, on prend l'or et on le transporte immédiatement, sans hésitation, sans trembler et avec assurance, sur l'endroit que l'on a préparé. Il faut poser l'or juste à la place où il doit rester, car il happe tout de suite, et si l'on voulait le tirer pour le pousser d'un côté ou de l'autre, on le déchirerait et la dorure serait mauvaise. Avant de prendre l'or, soit avec la carte, soit avec tout autre instrument, on avait soin autrefois de passer légèrement la carte ou l'instrument sur le front à la naissance des cheveux, afin qu'il s'y chargeat d'une humeur onctueuse dont la peau est toujours un peu humectée dans cette partie, ce qui y faisait attacher un peu la feuille d'or. Cette pratique est inutile. Les ouvriers d'aujourd'hui sont même assez adroits pour coucher l'or sur le dos des livres avec le couteau seulement. Pour y parvenir, ils soulèvent la feuille avec la lame de cet instrument, l'enportent avec, la posent sur le dos, puis la fixent avec du coton en laine. En couchant l'or sur le dos du livre, on le laisse un peu plus long qu'il ne faut, en tête et en queue, afin de pouvoir l'appliquer parfaitement sur les coiffes. L'or se couche sur la bordure intérieure, soit avec le couchoir, soit encore mieux avec le bilboquet. Chaque fois qu'on a couché de l'or, on frotte l'instrument dont on s'est servi sur un linge fin et propre, qu'on a sur soi ou à côté de soi. On couche l'or pour les filets des plats de la même manière, mais il est toujours nécessaire de tirer une ligne droite du côté du mors, car si les trois autres côtés ne présentent aucune difficulté, parce qu'on se trouve fixé par le bord, il n'en est pas de même pour celui-ci. On marque un trait avec le tranchant du plioir que l'on dirige le long d'une règle. Lorsqu'on couche à la main, on tient à pleine main les feuilles du volume de la main gauche, les cartons libres ; celui sur lequel on veut travailler est appuyé sur le pouce de cette main, le dos tourné vers soi. Alors on pose l'or sur le côté de tête ou de queue, qui se trouve du côté du bras gauche ; on fait ensuite pirouetter le volume de manière que la gouttière soit vers le bras gauche, on couche ce côté; on fait tourner encore le volume pour terminer par l'autre petit côté. On peut aussi coucher l'or pour les filets sur les plats à la carte ou au bilboquet, sans tenir le livre. Pour cela, on prend les deux billots cubiques, et on les place sur la table l'un à côté de l'autre, à une distance suffisante pour que toutes les feuilles du volume puissent se loger entre eux. Enfin on ouvre les deux cartons et on les fait reposer à plat sur les deux faces des billots. Alors toute la couverture est à plat et le volume pend entre les deux billots. On a ainsi beaucoup de facilité pour coucher uniformément et symétriquement les filets et tout ce qui doit orner les plats. On ne doit pas glairer, sur un volume en veau, les places qu'on veut laisser sans brillant. La moire et les autres étoffes de soie ne doivent pas être glairées, lorsqu'on ne veut pas coucher de l'or dessus, parce qu'elles portent avec elles leur brillant naturel. En outre, elles se glairent avec du blanc en poudre ou mieux, avec de la poudre de Lepage. Quand c'est avec du blanc, on haleine dessus pour le rendre humide; ensuite on couche l'or, qui happe tout de suite. 2° Opérations du doreur Le doreur est l'ouvrier qui, avec des instruments de cuivre gravés en relief par un bout et montés dans un manche de bois par le bout opposé, fixe l'or sur tous les points que touchent les saillies de la gravure. Ces instruments s'appellent fers. Leurs dimensions sont toujours très restreintes. Néanmoins il y en a dont la petitesse est telle qu'on les désigne spécialement sous le nom de petits fers. C'est le doreur qui applique sur le dos des livres les titres et les ornements ; c'est également lui qui exécute les enjolivements de tout genre qui enrichissent les plats, et, ce que beaucoup de personnes ignorent, il obtient toutes ces merveilles en combinant et ajustant ensemble un nombre infini de menus éléments qui, pris isolément, ne représentent à peu près rien. C'est de lui qu'on veut parler quand on dit que la dorure des livres exige un goût irréprochable et un sentiment élevé de l'art. Le doreur opère toujours à chaud, c'est-à-dire qu'il n'applique ses fers qu'après les avoir fait chauffer. Quelquefois, au lieu d'un ornement doré, il veut simplement produire une gaufrure. Dans ce cas, on ne couche point l'or. Souvent on fait valoir la gaufrure en y passant quelque encre de couleur. C'est ce genre de travail qu'on appelle très improprement dorure à froid et dont le nom véritable est tirage en noir ou tirage en couleur, suivant qu'on emploie une encre noire ou une encre de couleur. 1. Outillage du doreur L'outillage doit être rangé, sous la main de l'ouvrier, sur une table solide et placée de telle sorte qu'il reçoive directement sur son ouvrage toute la lumière du jour. Outre des collections de modèles et ce qui est nécessaire pour écrire, calquer et dessiner, il comprend les objets que voici : 1° Un fourneau pour chauffer les fers. Il est au-devant du doreur, un peu sur la droite, et se compose de deux parties : le fourneau proprement dit, qui occupe le derrière, et le laboratoire, qui est sur le devant (fig. 82, pl. 4). Le fourneau proprement dit renferme le corp A, la hotte B et la cheminée C. A peu près à la moitié de sa hauteur intérieure, se trouve une grille en fer sur laquelle on place le charbon. Sur le devant sont pratiquées deux ouvertures qui peuvent être entièrement ouvertes ou fermées, vers le milieu de leur hauteur, par deux portes G et H, qui se meuvent sur des charnières verticales, selon que les parties que l'on a à faire chauffer sont plus ou moins grandes. Au-dessous et sur le devant, est pratiquée une large ouverture E, pour l'introduction de l'air nécessaire à la combustion ; cette ouverture peut être fermée par une porte, qu'on voit à travers les barreaux de la partie antérieure, selon qu'on a besoin d'un tirage plus ou moins fort. Sur le côté, on voit un tiroir D qui sert à recevoir les cendres du charbon, pour s'en débarrasser lorsqu'il est plein. Toutes les parties de ce fourneau sont construites en tôle. La partie antérieure a sa base F en tôle ; tout le reste est construit en petites tringles en fer, comme l'indique la figure ; ces tringles servent à supporter les fers, les palettes et les roulettes dont se sert le doreur ; elles reposent, par leur partie métallique, sur les dents de la crémaillère que l'on aperçoit près du fourneau, et par leur manche, sur les traverses que l'on voit en avant. Tel est l'ancien fourneau à charbon de bois, qui était adopté par tous les relieurs, avant que le gaz d'éclairage ait été employé au chauffage. Il sert encore dans les petits pays où le gaz n'existe pas, et il rend les mêmes services qu'autrefois ; c'est pourquoi nous le mentionnons ici. Le nouveau fourneau à gaz (fig. 82 bis) a beaucoup d'analogie avec l'ancien fourneau à charbon de bois. Il se compose d'un petit rectangle en fonte, monté sur quatre pieds également en fonte, et ouvert en partie sur sa face antérieure. Cette face est fermée aux deux tiers par une plaque en fonte et quelque fois en tôle, pourvue à sa partie la plus élevée d'une crémaillère, entre les dents de laquelle l'ouvrier doreur pose ses roulettes, ses palettes ou ses fers à dorer, lorsqu'il veut les chauffer. Au centre de l'appareil et dans sa longueur, existe un tube en fonte percé en dessus de trois rangées de petits trous par lesquels sort le gaz à brûler. Ce brûleur tient au fourneau par ses extrémités au moyen de deux renflements. L'un de ceux-ci est percé et reçoit un tuyau d'un diamètre plus petit que le brûleur ; ce tuyau en laiton est muni d'un robinet d'introduction ou d'arrêt pour le gaz, qui y arrive par un tube en caoutchouc, qu'on y adapte ou qu'on en retire à volonté. Le renflement dans lequel est soudé le tuyau en laiton est percé de trous qui permettent l'introduction de l'air nécessaire à la combustion du gaz. On approche devant ce fourneau une tôle montée sur quatre pieds, un peu plus basse que la crémaillère ; elle est destinée à recevoir les manches des outils que l'on y place à chauffer. Cette disposition permet de séparer les deux parties de ce fourneau, ce qui le rend moins encombrant que s'il était d'une seule pièce. 2° Un petit vase en terre vernissée ou en faïence, d'une forme oblongue, de 20 à 23 centimètres sur 5 centimètres et demi de large environ ; il est plein d'eau (fig. 83). 3° Deux petits billots en forme de parallélépipède rectangle, contre lesquels on appuie le volume pour pousser les palettes, les lettres et les fleurons sur le dos de ce volume (fig. 84). Deux des faces contiguës sont fortement inclinées, afin que, dans le mouvement circulaire que la main du doreur est obligée de décrire pour poser les fers sur le dos du livre, elle ne soit pas gênée. Ce plan incliné est sur la droite de l'ouvrier, et le volume est appuyé contre le plan à gauche, et repose par sa gouttière sur la table. Afin d'empêcher les billots de remuer, car ils doivent présenter un point inébranlable à l'effort du doreur qui appuie le livre contre, on a placé deux chevilles en bois à la surface inférieure, lesquelles entrent dans deux trous pratiqués dans le dessus de la table. Les billots devant être moins épais que la largeur du volume, on en a plusieurs appropriés à chaque format. Les chevilles sont placées toutes à la même distance, afin de ne pas cribler la table de trous. Tous les billots sont mobiles. Pour plus de sûreté, on doit en avoir un de 5 à 6 centimètres de hauteur, qui, fixé à demeure sur la table, sert à empêcher les autres de pencher de côté, dans le cas où les chevilles qui les retiennent viendraient à vaciller. Il concourt ainsi à maintenir le volume bien verticalement ; 4° Une brosse plate, rude, comme une brosse à souliers ou à frotter les appartements ; elle est placée près du fourneau et sert à passer les fers dessus pour en nettoyer la gravure (fig. 85) ; 5° Un morceau de veau pour essayer la chaleur des fers ; il est disposé à côté du vase long à l'eau ; 6° De nombreuses roulettes ; ce sont des disques dont la tranche présente différents dessins, et qui tournent sur un axe disposé à l'extrémité d'un manche ou fût. Suivant le besoin, on les monte isolément ou plusieurs ensemble sur le même fût. La figure 86 représente une roulette ordinaire dans son fût particulier. Ce fût a est en fer, et en forme de fourchette à l'une de ses extrémités pour recevoir la roulette b, qui y est fixée par une cheville qui la traverse ainsi que les branches de la fourchette. Cette cheville est à frottement dur dans les deux branches de la fourchette, et libre dans le trou de la roulette, qui peut tourner facilement sur son axe et contre les deux joues de la fourchette. L'autre extrémité du fût est pointue et s'engage solidement dans le manche c qui, pour plus de solidité, est cerclé en fer. Les roulettes sont gravées sur leur circonférence convexe. Comme le doreur emploie beaucoup de roulettes différentes, et qu'il était embarrassant de les avoir toutes montées séparément chacune sur un fût particulier, on a imaginé un fût commun qui pût les recevoir toutes avec promptitude et facilité ; alors on conserve toutes les roulettes en garenne dans une boîte, et l'on ne monte sur ce fût que celle dont on a besoin sur-le-champ. C'est un instrument de ce genre que nous représentent les figures 87, 88. La fig. 87 montre une roulette b montée sur le fût commun a ; on voit en c une partie du manche. La figure 88 indique les détails de cet instrument. La partie inférieure a du fût porte la jumelle b et une traverse c. Ces trois pièces sont invariablement unies ensemble et ne forment qu'un seul corps. La traverse c entre dans une mortaise pratiquée dans le bas de la jumelle d, qui, lorsqu'elle est rapprochée au point nécessaire pour laisser à la roulette la liberté de rouler, est fixée par la petite vis à oreilles e, qui est taraudée dans l'épaisseur de la jumelle d ; Dans cette construction, l'axe de la roulette entre à frottement dur dans la roulette, qui tourne librement dans les trous des deux jumelles b et d. Il est, par conséquent, nécessaire d'avoir autant d'axes que de roulettes. Cependant il serait facile de n'avoir qu'un seul axe commun, en lui donnant deux oreilles comme à la petite vis e, le faisant entrer à vis dans la jumelle b, faisant tout le reste de la tige cylindrique et uni ; cette partie traverserait librement la roulette, et son extrémité entrerait juste dans le trou de la jumelle d. 7° Un billot à dorer les bords (fig. 89) ; il a une face fortement inclinée contre laquelle on appuie le volume. L'ouvrier présente le volume par les bords, tout près de l'angle a, et il appuie la roulette contre cet angle, qui lui sert de règle pour ne pas s'écarter de l'épaisseur du carton ; 8° Une collection aussi nombreuse que possible de fers à dorer ; on a vu qu'on appelle ainsi des instruments de cuivre dont l'un des côtés porte des ornements en relief : le côté opposé est muni d'un manche pour qu'on puisse les manier. Il y en a une infinité d'espèces, auxquelles on donne des noms différents. Ceux de dimensions très restreintes, constituent, on l'a vu, ce qu'on appelle les petits fers. Pour reproduire, surtout sur les plats, avec rapidité et économie, des dessins très compliqués ou d'une grande étendue, on remplace souvent les fers par des plaques de cuivre également gravées en relief ; mais ce moyen de décoration facile est plus particulièrement à l'usage de la reliure industrielle. 9° Un composteur (fig.90) et sa casse (fig. 91) Le composteur sert à faire sur le dos des volumes les titres et les tomaisons. Il consiste en deux plaques de laiton a disposées parallèlement entre elles et retenues à une distance convenable pour recevoir juste les lettres m dont on compose les mots qu'on doit pousser sur les titres. Ces petites plaques a sont solidement fixées dans une armature b, portant latéralement une vis à oreilles d, qui sert à serrer les lettres afin qu'elles ne ballottent pas. La queue de l'armature est solidement enfoncée dans un manche en bois c, cerclé d'une frette ou virole en fer g. Tout cet instrument est en laiton, ainsi que les lettres. La casse qui accompagne le composteur et qu'on voit figure 91, est une boîte à compartiments qui renferme dans chacun d'eux : 1° toutes les lettres de l'alphabet, et dont chacune est en nombre suffisant pour tous les besoins ; 2° pareillement les caractères des chiffres arabes pour le titre du tome. Cette boîte qui se ferme par un couvercle à coulisse e, est assez grande pour contenir aussi deux composteurs, parce que souvent on en emploie deux à la fois. Le doreur doit être pourvu de six à sept jeux de lettres variés selon ses besoins, afin d'avoir de gros et de petits caractères, selon que les formats sont plus ou moins grands. Il est fort agréable, dans le même titre, d'avoir deux sortes de grosseurs de lettres, de manière que les mots indispensables soient en gros caractères, et les autres en plus petits. Le composteur est assez grand pour recevoir la composition de deux ou trois lignes, car on en a rarement un plus grand nombre à pousser. Le doreur compose la première ligne qu'il place sur le composteur à gauche ; puis il met une espace, ensuite il compose la seconde ligne qu'il place à la suite ; puis une espace, et enfin la troisième ligne qu'il met à la suite. Si le composteur n'est pas assez grand pour y placer le titre en entier, il met le reste sur le second composteur ; mais il doit avoir soin de ne pas couper une ligne par le milieu en en plaçant une partie sur un composteur, et l'autre sur l'autre. Il faut qu'une ligne entière soit sur le même composteur, sans cela il s'exposerait à pousser la ligne d'une manière désagréable ou incorrecte ; 10° Une cloche à l'or (fig. 92) ; c'est un vase en grès fermé, par un couvercle en carton et concave par sa partie supérieure, sur laquelle on dépose les petits chiffons et le coton en rame dont on se sert pendant le travail de la dorure. On y conserve également les mêmes chiffons jusqu'à ce qu'ils soient suffisamment chargés d'or ; 11° Une palette à pousser les coiffes (fig. 93) ; elle est arrondie en forme de segment de cône creux ; de plus elle est gravée en portions de rayon, se dirigeant vers le sommet du cône dont elle serait supposée faire partie ; 12° Des grattoirs, semblables à ceux que nous avons décrits plus haut, et un fusil pour les affûter ; 13° Des brunissoirs d'agate ou dents de loup ; 14° Des chiffons de linge fin et propre, et une serge en laine pour reprendre tout l'or qui n'est pas fixé, et que le linge blanc n'a pas enlevé. 2. Travail du doreur Tous les outils dont il vient d'être question sont étalés sur la table et par ordre, afin que l'ouvrier ne soit pas obligé de chercher continuellement celui dont il veut se servir. On n'atteindrait cependant pas ce but, si, après avoir fini d'un fer, on le posait au premier endroit venu : il faut, au contraire, avoir le plus grand soin d'en former des tas différents selon leurs usages, afin de les retrouver tout de suite sous la main, lorsqu'on en a besoin : tels que les palettes ordinaires, les palettes à queue, les fleurons, les petits fers qui servent à en composer de gros, etc. Pendant que l'ouvrier disposé sur la table les divers outils qui lui sont nécessaires, on allume un feu de charbon dans le fourneau, afin qu'il puisse commencer à travailler aussitôt que les fers sont chauds. Le petit billot (figure 84) est placé devant lui. Comme la coiffe du volume serait dans le cas de se détériorer, si l'on ne commençait pas par elle, l'ouvrier prend le volume de la main gauche, le pose en travers, par la queue, sur le billot, la coiffe en dehors, afin qu'elle ne touche à rien, et prenant de la main droite la palette de la coiffe, il l'applique dessus lorsqu'il s'est assuré qu'elle est au degré de chaleur convenable. Pour connaître si les fers sont suffisamment chauds, il les trempe à plat par le bout, dans le petit vase qui contient l'eau (fig. 83); au degré du bouillonnement que fait l'eau, il juge si le fer a le degré de chaleur convenable. Quelques ouvriers font cet essai en touchant le fer avec le bout du doigt mouillé, ce qui est préférable, parce qu'ils ne mettent de l'eau que sur le côté du fer, et ne touchent pas à la gravure. Par là, ils sont assurés qu'il n'entre pas d'humidité dans le dessin, ce qui est d'une grande importance ; car si, après avoir trempé le fer dans l'eau, on n'attendait pas, pour s'en servir, assez de temps pour que cette eau soit évaporée, l'or deviendrait gris, il perdrait son brillant, l'eau ferait tache, ou bien l'or pourrait être enlevé par le fer chaud. On fait la même opération sur tous les fers ; on peut aussi les essayer sur la peau de veau que nous avons dit qu'on plaçait sur la table. Un peu d'exercice et d'habitude rendent maître dans cette partie. Si le fer était trop froid, l'or ne prendrait pas. Dès que les coiffes sont dorées, c'est-à-dire que le fer a été poussé, et qu'on est alors assuré que l'or est bien fixé, on en enlève l'excédant avec un linge propre qu'on ne fait servir qu'à cet usage, et qu'on jette ensuite, lorsqu'il est suffisamment chargé, dans la cloche à l'or, pour en tirer parti comme nous l'indiquerons plus tard. On place ensuite le volume contre le billot, la gouttière contre la table, comme le montre la figure 84 ; on pousse les palettes qui doivent marquer les nerfs, en commençant par celle de queue et allant et montant vers la tête. Il faut surtout avoir soin de les placer sur les marques que nous avons indiquées, en faisant bien attention de les pousser toujours bien perpendiculairement au côté du volume. Lorsqu'on pousse les fleurons sur les entre-nerfs, on doit faire attention de les poser bien au milieu, et qu'ils ne penchent d'aucun côté. Si le fleuron n'est pas assez grand pour remplir l'espace d'une manière bien agréable, on doit choisir dans les petits fers des sujets qui puissent, en les ajoutant au grand, présenter un ensemble qui plaise. On ne peut fixer aucune règle à ce sujet ; nous donnerons ci-après un exemple qui aidera le relieur intelligent, et pourra faciliter son travail. Lorsque parmi les fers du relieur, il s'en trouvera qui soient particuliers à la nature de tel ou tel ouvrage, il faut bien se garder de les pousser sur des traités auxquels ils ne se rapporteraient en aucune manière. Si, par exemple, il y en avait qui représentassent des poissons, ou des insectes, ou des fleurs, on aurait soin de ne les pousser que sur des ouvrages qui traiteraient de l'histoire naturelle des poissons, ou de celle des insectes, ou de celle des végétaux ; et on ne les pousserait pas sur des livres de littérature, sur des romans, moins encore sur des livres d'église, comme nous en avons vu des exemples. De pareils défauts dénoteraient le mauvais goût ou l'insouciance de l'ouvrier. Pour le titre, l'ouvrier le compose dans le composteur. Ce titre doit être aussi court que possible, mais toujours parfaitement clair, et s'il renferme des abréviations, il faut qu'elles soient non seulement immédiatement intelligibles, mais encore exemptes de tout ce qui pourrait donner lieu à des interprétations inexactes, à plus forte raison ridicules ou absurdes. Si le volume est un ouvrage de science ou de littérature, la première ligne doit être le nom de l'auteur, avec un trait au-dessous ; le titre proprement dit vient ensuite. Habituellement, la grosseur des lettres est en rapport avec le format du volume. Toutefois cette règle ne saurait être absolue. On conçoit, en effet, que si un volume in-8° était mince, et qu'on voulût se servir des lettres admises pour ce format, on ne pourrait en employer que quelques-unes, ce qui exposerait à raccourcir le titre au point de le rendre inintelligible. En thèse générale, il faut approprier le caractère non au format, mais à la longueur indispensable du titre pour se faire bien comprendre. Quand on a à dorer un ouvrage de beaucoup de volumes, parmi lesquels il s'en trouve de différentes épaisseurs, quoique, à la batture, on ait fait tout son possible pour qu'ils soient égaux ; on prend un volume d'une épaisseur moyenne, sur lequel on place le nom de l'auteur en caractères aussi gros que peut le comporter la largeur du dos, au-dessous, après avoir placé un filet droit, on pousse le numéro du volume. Dans t'autre pièce, on place le titre du sujet avec un plus petit caractère, auquel on ajoute par-dessous, en plus petit caractère aussi, le numéro d'ordre des volumes de cette division. Ces divers caractères, une fois adoptés, ne doivent plus varier pour toute la collection. Lorsqu'on veut pousser le titre, on prend le volume par la tête, à pleine main, de la main gauche, le pouce en l'air, contre le second entre-nerf ; ce pouce sert à diriger le composteur, qu'on présente sur le volume sans l'appuyer. Alors on voit le mot on le place au milieu de la distance, et lorsqu'on est bien fixé sur la place qu'il doit occuper, on appuie suffisamment, et l'on décrit un arc de cercle sur le dos, afin que toutes les lettres appuient sur toute sa rondeur. Lorsque le volume est très épais, ou qu'il offre quelque difficulté, comme, par exemple, d'être rempli de cartes, ou de planches, ou de tableaux pliés, on le met dans la presse à tranchefiler, ou mieux dans la presse à gaufrer le dos. Celle-ci se compose de deux vis comme la presse à tranchefiler, avec la seule différence que les jumelles sont épaisses de 11 à 14 centimètres par le bas, et que la partie supérieure est en plan incliné de chaque côté, ne réservant du côté de l'intérieur qu'une épaisseur de quelques millimètres. Cette disposition permet à l'ouvrier de tourner le poignet en arc de cercle, afin de pousser la palette depuis un mors jusqu'à l'autre. Pour pousser des roulettes ou des filets sur le plat, on place le volume entre les deux billots de forme cubique, ainsi que nous l'avons indiqué pour coucher l'or, et l'on pousse ainsi la roulette avec facilité, en appuyant le bout du manche sur l'épaule, et tenant l'autre bout de ce même manche à pleine main. Si lon craint de ne pas aller droit, on peut diriger la roulette contre une règle que l'on tient fixement sur le carton de la main gauche ; on en fait de même pour les pousser dans l'intérieur, mais on appuie la couverture sur un ais qu'on pose sur la table, afin de ne pas gâter le dos. Il est important de ne pas oublier, avant de se servir de la roulette, de s'assurer si elle tourne librement dans sa chappe, et si elle n'y a pas trop de jeu. Si elle était trop gênée, on lui donnerait la liberté convenable en graissant le trou avec un peu de suif ; si elle avait trop de jeu, on rapprocherait les deux branches de la chappe, ou bien on changerait la goupille. Si l'on voulait pousser une roulette dans un encadrement, l'on pourrait se servir d'un passe-partout, c'est-à-dire d'une roulette épaisse, qui porte seulement un ou deux filets sur chacun de ses côtés, et dont le milieu est entièrement évidé. Mais le moindre défaut devient très sensible, en ce qu'il agit sur les deux côtés à la fois : nous préférons faire cette opération en deux fois, afin d'être plus sûr du travail. Voici comment on procède : On compasse et l'on trace le carré de la dimension qu'on désire, on le glaire et on couche l'or ; ensuite on pousse les filets à la place qu'on a tracée, de sorte qu'à chaque angle il se forme un petit carré, dans le milieu duquel on pousse un fleuron. Aux quatre coins de ce même carré, on pousse un point qui le forme en entier. On essuie entièrement l'or de ce carré, et on le couvre d'un morceau de papier double qu'on tient appliqué par le pouce de la main gauche. Alors on peut pousser la roulette gravée à égale distance des filets, et elle va s'arrêter vers le pouce qui tient le papier, sans faire aucune marque sur la place que ce papier occupe. Moyennant cette précaution la roulette va d'un carré à l'autre sans l'outrepasser. Les ouvriers qui travaillent sans attention et sans goût, poussent les filets tout au bord du livre, parce que c'est plutôt fait. Il vaut mieux laisser un intervalle entre le bord et le filet, intervalle que l'on remplit agréablement d'une sorte de petite dentelle dorée. Si la roulette gravée représente une arabesque, il ne faut la pousser que des deux côtés en montant, et en faisant attention que la roulette soit tournée du côté convenable pour que les figures ne soient pas renversées lorsque le volume est debout, la tête en haut. On pousse une autre roulette insignifiante dans le haut et dans le bas. Pour les bords des cartons, on appuie la couverture sur le plan incliné du billot à dorer les bords, et, comme on le voit figure 89, l'on pousse la roulette contre le bord supérieur du billot, qui la dirige suffisamment. Quelquefois on veut seulement pousser de la dorure sur la coiffe et sur les coins. On emploie la palette ordinaire pour la coiffe, et on la termine par un gros point ou une petite ligne. Pour les coins, on prend une palette dans le même genre, mais droite, et qui est ordinairement divisée en deux parties égales par une éminence qui sert de guide, afin de ne pas avancer plus d'un côté que de l'autre, et que les huit côtés soient égaux. Chaque partie de la palette est gravée d'un dessin particulier. Après avoir doré, l'ouvrier s'aperçoit facilement si son fer a été trop chaud, ou si le volume sur lequel il l'a poussé présentait quelque humidité. Dans ces deux cas, l'or devient gris. Lorsque le doreur a tout terminé, il enlève l'or superflu en frottant toutes les places avec un linge fin et propre, comme nous l'avons dit pour la coiffe, et il conserve à part ce linge, qu'on nomme drapeau à l'or, jusqu'à ce qu'il soit suffisamment chargé de ce métal ; il le jette alors dans la cloche à l'or (fig. 92), ou bien dans un grand vase, où il le laisse en dépôt jusqu'au moment qu'il aura choisi pour en séparer le métal, comme nous l'indiquerons plus bas. |
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