Ce texte de préambule illustre de la plus admirable des manières l'existence même du pourquoi de la reliure. Rédigé en son temps par M. Dudin, celui-ci vous est proposé ci-dessous dans sa version original en français ancien...

On appelle Relier un livre, plier et assembler les feuilles par cahier, les coudre, & les couvrir de cartons revêtus de veau ou d'autres substances. Cette opération qui se fait par des ouvriers, nommés Relieurs, est indispensablement nécessaire, sur-tout depuis l'invention de l'Imprimerie, pour nous mettre à portée de profiter des connoissances & des richesses que ce bel Art nous a procurées. En effet, comment jouirons-nous de nos Livres, si nous n'avions la facilité d'en rassembler les feuilles en un seul corps, pour prévenir qu'elles ne soient exposées à se perdre & à se déchirer ? Comment pourrions-nous les placer dans nos bibliothèques ? Quel embarras ne seroient-ils pas sur nos bureaux, lorsque nous voudrions nous en servir ? Enfin pourrions-nous aisément les transporter hors de nos maisons, soit pour les communiquer à ceux à qui ils peuvent être utiles, soit pour notre usage & notre agrément ?

Ils seroit donc superflu d'insister davantage ici pour établir la nécessité de faire cette dépense, qui ne laisse pas d'augmenter le prix des Livres, quand même on se borneroit à ne faire que le simple nécessaire avec propreté, sans recherche & sans magnificence. Il est vrai que quand un Livre est de peu de conséquence, ou quand il est trop nouvellement imprimé pour être mis entre les mains du Relieur, on se contente d'en plier les feuilles, de les coudre & de les couvrir d'un feuilles de papier bleu ou marbré commun, ce qu'on appelle Brocher ; mais outre que cette opération est de peu de durée & ne sert guere à la conservation du Livre, il faut convenir qu'elle ne donne aucun agrément extérieur aux Livres qui sont très incommodes à placer dans une bibliotheque, où ils tiennent beaucoup plus de place que les Livres reliés.