Le Moulin du Verger

papeterie artisanale depuis 1539 & atelier de reliure manuelle

Sommaire de Art de faire le papier

Etats des produits d'une papeteries

404. Quoique les détails purement pécuniaires ne soient pas du ressort des physiciens qui considèrent les Arts, cependant ils tiennent trop à la perfection de ces mêmes Arts dans un royaume, pour qu'on doive les négliger ; et nous avons cru qu'on verrait ici avec plaisir, un état circonstancié de la dépense et des produits d'une papeterie, dans les provinces de France, avec les maillets ordinaires.

405. Dépense. IL faut, pour entretenir l'ouvrage d'une papeterie (76) pendant l'année, sans interruption ; 600 quintaux de chiffons : mettons-les à 8 livres, quoiqu'on les ait souvent à 6 liv. et même à 4 liv. ......... 4800 liv.

406. Les 600 quintaux, après avoir été triés et pourris, se réduiront aux deux tiers, ou 400 quintaux, qui fourniront 5000 rames de papier, grand format, c'est-à-dire, 400 quintaux de papier.

407. La colle étant à raison d'une livre par rame, 3000 livres à 7 liv. le quintal .................................................................. 210 liv.
200 livres d'alun, à 20 liv. le quintal .................. 40 liv.
75 aunes de drap, à 40 sols l'aune ............... 150 liv.

408. Le maîlre du moulin, faisant les fonctions de saleran, n'a besoin que de quatre ouvriers, savoir, un gouverneur et trois compagnons de cuves, à 120 liv. de gages, et 12 sols par jour de nourriture ...................... 1336 liv.

409. Trois femmes pour laver et préparer les chiffons, avant de les pourrir, 45 liv. de gages et 6 sols par jour ................................... 463 liv.
Bois, charbon ..................................................... 150 liv.
Entretien de l'usine, graisse et savon ........... 100 liv.
Total de la dépense ........................................ 7269 liv.

410. Les matières propres pour la colle se trouvent également dans toutes les provinces ; mais l'Auvergne seule en épuise plusieurs. Les papeteries de la Franche-Comté et des autres provinces circonvoisines n'ont guère que le rebut, qu'ils paient jusqu'à 5 ou 4 liv. le quintal, même en estimant très-peu le papier qui en provient, et que l'on prend en paiement.

411. Produit. On suppose 300 jours ouvrables dans l'année, puisqu'on ne chomme dans ces sortes de manufactures que les dimanches et fêtes principales. Chaque jour ou peut faire dix rames de papier, grand format, du poids de 12 à 14 livres ; c'est-à-dire, pendant l'année 3000 rames. 200 quintaux de matière, font 1419 rames du poids de 14 livres, première qualité, à 5 liv. la rame ..... 7145 liv.
133 quintaux font 1111 rames du poids de douze liv., seconde qualité, à 4 liv. la rame ..... 4444 liv.
67 quintaux font 1111 rames, petit format du poids de six liv., à 30 sols la rame ..... 1666 liv.
Total du produit de 400 quintaux de matière .......... 13255 liv.

412. Ainsi l'on voit qu'une cuve et un moulin peuvent rendre environ six mille livres de revenu, en supposant qu'où y travaille avec exactitude et avec succès. L'experience prouve à la vérité qu'il si fait plus d'un dixième de cassé ou de papier détectueux, même dans une bonne papeterie, beaucoup plus dans les mauvaises ; mais il reste encore de quoi exciter suffisamment l'émulation des fabricans de papier.

413. Suivant le calcul fait dans d'autres établissemens, il paraît que 300 quintaux de chiffons matière brûte, donnent 250 quintaux de papier, et qu'une cuve n'emploie que 500 quintaux de chiffons ; d'où il suit qu'elle ne doit fournir que 250 quintaux de papier, au lieu de 400 que donne le précédent état.

414. Le prix moyen du papier, pris dans les fabriques, le fort portant le faible, est de 6 sols 4 deniers la livre (le papier bulle n'est qu'à 5 sols et demi). Ainsi, suivant ce calcul, une cuve ne pourrait vendre chaque année, que pour 10400 liv. de papier.

415. Supposons donc qu'une cuve puisse consommer par année trois cents quintaux de chiffons non délissés : ce qu'un royaume, tel que la France, peut fournir de chiffons, sera capable d'entretenir environ mille cuves. Suivant un relevé fait dans les bureaux de la Franche-Comté, il en sort, année commune, 8000 quintaux, sans compter 8000 qui se consomment dans les fabriques de cette province : or, la Franche-Comté ne peut guère être estimée que la vingtième partie de la France : ainsi il y a au moins 300 milliers de quintaux de chiffons à recueillir en France chaque année. D'où il paraît qu'il en doit passer considérablement chez l'étranger ; car il n'y a pas actuellement 400 cuves où l'on travaille continuellement dans le royaume ; c'est-à-dire, à peine la moitié de ce qu'il pourrait y en avoir (77).

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