Art de faire le papier |
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Manière de faire cuire la colle
295. On remplit, une grande chaudière G (pl. IX, fig. 1), environ jusqu'aux deux tiers, d'eau nette ; puis on y descend, presque jusqu'au fond, un panier de fer K qui se nomme trépied. C'est une forme de jatte à jour, composée de diverses bandes courbées en demi-cercle qui se croisent mutuellement au fond, et aboutissent vers le haut à un grand cerceau de fer qui fait tout le tour et comme le bord du panier ; il peut y avoir aussi d'autres cerceaux de fer entre celui-là et le fond, et ils peuvent être garnis tous ensemble de quelques fils de fer en treillis. Ces bandes de fer se terminent en forme d'anneaux, et on y accroche des chaînes par le moyen desquelles on peut tenir ce trépied suspendu dans la cuve, l'y descendre et l'en tirer à volonté. Une corde qui passe sur une poulie L, et revient tourner en bas sur une manivelle, sert à élever le trépied quand il en est besoin. Le trépied est destiné à contenir les rognures dont se forme la colle, et à les retirer toutes ensemble, sans laisser des fragmens au fond de la chaudière ; mais pour empêcher qu'elles ne s'attachent aux parois internes de ce panier de fer, on met dans le fond quelques poignées de paille. 296. On place dans cette chaudière, garnie comme nous venons de le dire, et déjà prête à bouillir, pour six milliers de papier, environ cinq cents livres de brochette ou de retailles propres à former la colle (§. 312) ; on les fait cuire à petit feu, sans laisser bouillir l'eau ; on a soin seulement de l'entretenir toujours frémissante et prête à bouillir pendant quatre heures. Il faudrait plus de tems, si la quantité de rognures était moindre, et qu'on voulût d'une seule fois en exprimer tout ce qu'elles peuvent fournir de matière propre à la colle. On a soin de les remuer de tems à autres pour faire mieux pénétrer l'eau. 297. Quand on juge la colle assez cuite, on y plonge une bassine de cuivre à deux mains, telle que celle qui est entre les mains de l'ouvrier B, et l'on tire de la chaudière tout ce qu'il y a de liquide. On observe de plonger en même tems dans la chaudière, par-dessus les retailles et sous la bassine de cuivre, un paillon, ou grand torchon de paille, qui les empêche de s'attacher à la bassine. 298. On presse fortement la bassine sur ce paillon et sur ces retailles, et l'on puise ainsi le bouillon qui entre par les bords de la bassine, sans crasse, ni grumeaux de colle ; on porte ce bouillon de colle dans la chaudière voisine, où on le verse au travers d'un couloir. 299. L'arquet (*) est un châssis de deux pieds dix pouces de long sur dix-huit pouces de large, fait de quatre tringles, et de cordes nouées qui les traversent de part et d'autre en compartimens carrés : on place cet arquet sur la seconde chaudière H (fig. 1) ; on étend par-dessus l'arquet un drap de toile rousse médiocrement serrée, qui forme le couloir, au travers duquel on passe le bouillon de colle dans la seconde chaudière pour laisser déposer la cendre du tanneur ou les autres ordures, qui presque toujours ont demeuré attachées aux rognures dont on se sert. Après avoir ainsi enlevé de la grande chaudière G le bouillon de colle, on recommence à la remplir d'eau, mais peu à peu. D'abord on y verse cinq ou six pleines bassines pour la première fois, ensuite une ou deux à chaque fois jusqu'à la fin, augmentant toujours le feu de tems en tems, mais sans que l'eau bouille. Au bout de quelques heures on puise ce nouveau bouillon, et on le passe dans la seconde chaudière, comme la première fois. 300. La grande chaudière se remplit ainsi jusqu'à six fois ou davantage, tant que la colle paraît avoir encore assez de consistance. On se règle à cet égard sur l'état des rognures ; car quand elles n'ont plus de suc, et qu'en les retirant elles vont tout-à-coup au fond de la chaudière, on y met moins d'eau qu'auparavant ; on se contente de la remplir alors jusqu'aux deux tiers : ce qui se fait encore quatre ou cinq fois. Pour s'assurer mieux si cette cuite peut produire une colle suffisante, on trempe les doigts dans le bouillon ; et quand on ne sent plus la viscosité que doit avoir la colle, les doigts ne s'attachant plus l'un à l'autre, c'est une marque qu'il ne reste plus de suc dans les rognures : on vide alors la chaudière, et les restes servent encore de fumier pour la culture des fleurs. Toute cette cuite de colle dure environ trente-six ou quarante-huit heures. Comme la seconde chaudière ne suffit pas pour contenir toute la colle qui s'est faite dans la première, à plusieurs reprises, on en emploie encore d'autres plus petites, dans lesquelles on passe de même au travers d'un couloir une partie de cette colle. Tous ces bouillons de colle se versent, à mesure qu'on les emploie, dans le mouilloir ou mouilladoir représenté en I (fig.1) que l'on couvre aussi avec l'arquet et le drap pour former un couloir qui rend cette colle plus pure. 301. Dans d'autres provinces, on se contente de faire bouillir la brochette, d'un bouillon égal et léger, dans la même eau pendant quinze, seize, quelquefois vingt-quatre heures, en y ajoutant de l'eau à mesure qu'elle décroît ; et l'on emploie cette colle pendant les deux jours suivans. C'est ainsi que cela se pratique à Montargis. 302. On verse dans le mouilloir une moitié d'eau pure et une moitié d'eau de colle, par exemple, cent pintes de chacune, pour coller quinze rames de papier couronne ; on y ajoute trois livres d'alun rouge, fondu et conté plusieurs fois. Cinq cents livres de colle exigent en tout vingt-cinq livres d'alun, c'est-à-dire, un vingtième. Ce sel styptique et astringent sert à faire tenir la colle sur le papier, comme dans la teinture il rend les couleurs plus adhérentes à l'étoffe. Le papier en est plus ferme, et, comme disent les ouvriers, plus pétillant. Si l'on craint les grandes chaleurs, on augmente quelquefois la dose de l'alun jusqu'à un quinzième du poids de la brochette. L'alun de Rome est celui que l'on préfère, et l'alun de roche ne sert que pour les papiers communs. 303. Outre l'alun qu'on met dans la colle, lorsqu'elle est clarifiée, certains fabricans y ajoutent un peu de couperose ou vitriol verd, d'autres du vitriol blanc, environ la dixième partie de l'alun. Cependant il y a des personnes qui prétendent que ce mélange n'est point favorable pour l'écriture, et produit une espèce de boue en se mêlant avec l'encre (73). 304. Pour faire l'épreuve de la colle, on en met dans un vase environ la valeur d'un demi-septier. Quand elle est figée, on examine si elle est forte, dure, transparente, claire, tirant sur le verd d'eau ; ce sont les qualités que doit avoir la bonne colle. On ne s'en tient pas là ; et lorsque le saleran a collé la première poignée, il en prend une feuille, la fait sécher dans l'endroit le plus frais de la chambre ; il l'éprouve avec la langue, et il juge, par l'impression qu'elle y fait, et par la flexibilité qu'elle y acquiert, si la colle est bonne. Lorsqu'elle se trouve trop forte, on y ajoute de l'eau ; si elle est trop faible, on y met une poignée de vitriol, ou bien on change de papier, et l'on en prend un où la colle soit moins essentielle, tel que le papier d'impression (§. 317). Quand on craint l'orage, qui peut faire fluer la colle (§. 316), on met encore dans le mouilloir un morceau d'alun en pierre.
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