Art de faire le papier

 
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Avertissement

1ère partie - Art de faire le papier

§. 8
Art de faire le papier


§. 9 - §. 27
Histoire & origines


§. 28 - §. 68
De la matière au lavoir


§. 69 - §. 199
Des moulins

  - Du moulin
  - Distribution de l'eau dans les moulins
  - De la qualité des eaux
  - Manufacture située en plaine
  - De la roue et des maillets
  - Des moulins à cylindre
  - De la platine
  - Moulins de Hollande
  - De l'éfilochage, et de l'affinage
  - De la graisse du papier
  - Comparaison des deux sortes de moulins
  - Autre forme de moulins, qui a été proposée
  - Observations sur la manufacture de Vougeot en Bourgogne (45)

§. 200 - §. 319
De la matière affinée au collage


§. 320 - §. 351
De l'étendoir au lissoir


§. 352 - §. 380
Tri & formation des rames


§. 381 - §. 385
Du papier coloré


§. 386 - §. 389
De l'influence des saisons


§. 390 - §. 435
Papiers de Hollande & différents pays


§. 436 - §. 511
Des réglements qu'on a fait en France


§. 512 - §. 555
Des différentes matières qui pourraient servir à faire du papier


§. 556 - §. 596
Papiers de Chine & du Japon


2ème partie - Planches & Explications des planches

 

 
Distribution de l'eau dans les moulins

70. On peut tirer beaucoup de lumières sur la distribution des eaux de la description d'une des plus belles fabriques qu'il y eût en Auvergne au tems où feu M. des Billettes travaillait à la description de cet Art. Elle est placée en un lieu nommé la Grande-rive, dans la plaine du Livradoir, arrosé de la Dore, petite rivière qui se jette dans l'Allier environ à huit lieues de Riom. Ses moulins sont situés à la chute d'une très-grande quantité d'eau, qui sort d'entre des montagnes fort serrées, pour aller se perdre dans la Dore. Nous ne changerons rien à celle ancienne description ; mais nous ferons observer les choses où il y aurait de l'avantage à pratiquer d'autres dispositions. D'ailleurs, la situation de chaque moulin demande presque toujours des variétés dans les parties (26).

71. Les eaux sont conduites à la papeterie par un canal fait exprès, de quinze toises de long sur cinq pieds de large, garni de fortes planches, tant par les côtés que par le fond. On y fait entrer plus ou moins d'eau, au moyen d'une vanne ou écluse, qui est à la première entrée du canal.

72. La plus grande partie de l'eau est destinée pour le mouvement de la roue du moulin ; le reste se distribue dans les autres parties de la papeterie, où elle est également nécessaire. La première eau qui s'échappe du canal, environ six à sept pas au-dessus des roues, passe an travers d'un panier d'osier : elle est conduite par une rigole à deux reposoirs formés avec des planches de chêne, de deux à trois pouces d'épaisseur, et fortifiés par des pièces de même bois mis debout dans les angles. Le plus grand de ces deux reposoirs a douze pieds de long sur cinq de large, et trois de profondeur ; l'autre reposoir n'a sur la même profondeur que six pieds en carré. Le grand reposoir reçoit l'eau immédiatement du canal, par la rigole qui aboutit à une canonnière ou caisse de bois carrée, placée au-dedans du reposoir, dont elle doit excéder de deux pouces la hauteur. Cette canonnière est composée de trois planches, dont deux sont appliquées à l'une des planches du reposoir, et la troisième en forme l'assemblage ; le reposoir lui-même tient lieu de la quatrième. Celle des trois qui est opposée à la rigole, ne descend qu'à six pouces près du fond du reposoir ; une des deux autres touche à ce fond, et la troisième n'en est qu'à deux ou trois pouces. L'usage de cette canonnière est de retenir la force du courant d'eau, et de faire précipiter dans le fond du reposoir le sable fin qu'elle pourrait avoir charrié ; comme le panier sert à arrêter les pierres, les herbes, ou autres immondices plus grossières.

73. Quelquefois on pratique une suite de reposoirs ou de grands timbres de pierre, dans lesquels l'eau coule de superficie, et passe de l'un à l'autre pour avoir le tems de déposer peu à peu dans chacun de ces timbres ce qui lui restait d'immondices.

74. Dans certaines fabriques on place aussi dans les dernières issues de l'eau, des tas de chiffons de distance en distance, pour retenir mieux le sable fin, dont on ne saurait trop se garantir, et filtrer, pour ainsi dire, comme dans autant de chausses, toute l'eau qui doit servir à la formation du papier.

75. L'eau qui coule dans le petit reposoir, y arrive aussi par une rigole, et débouche dans une autre canonnière, qui est dans le petit reposoir. Il y a encore à l'extrémité du petit reposoir une grille de fer de neuf pouces en carré, dont les fils sont très-déliés et très-serrés, tout ainsi que la verjure des formes (dont nous parlerons ci-après). C'est au travers de ce tamis de métal que coule toute l'eau du petit reposoir, le long d'une rigole qui la conduit à 1'intérieur du moulin pour y arroser les drapeaux, qui ne la reçoivent par conséquent que dans la dernière pureté. Ce qui prouve bien la nécessité de toutes les précautions dont nous avons parlé, c'est, qu'au bout d'un certain tems on trouve du limon et de la vase en forme de sédiment au fond de tous les timbres, et de tous les vases que l'eau a parcourus (26).

76. Pour parvenir à cette clarification parfaite, on a fait pratiquer, lors de l'établissement de la manufacture de Montargis, un puisard dans lequel l'eau ne parvient qu'après avoir traversé plusieurs compartimens, dont l'un est rempli de cailloux, l'autre de gros sable bien lavé, le troisième d'un sable plus fin encore bien lavé. Cette eau ainsi clarifiée y est élevée par des pompes dans un réservoir, d'où elle se distribue par-tout où il est nécessaire. Peut-être ces compartimens de sable sont-ils la cause de ces graviers qu'on a reprochés quelquefois au papier de Montargis. D'ailleurs, une eau élevée par des pompes ou des godets, est toujours trop agitée, trop battue, pour pouvoir assez se clarifier. Il faudrait au moins que l'on eût un réservoir assez grand pour que l'eau y séjournât long-tems, qu'elle pût s'y épurer, y déposer son gravier avant que de couler sur les chiffons. Il n'y a qu'un seul inconvénient dans cette pratique ; mais il n'empêche pas qu'elle ne soit la meilleure : on sait que ces sortes de réservoirs se troublent quelquefois en été, lorsque le tems est disposé à l'orage, sans autre cause apparente. Dans ces circonstances l'eau même du bassin n'aurait pas la limpidité nécessaire pour faire du papier.



(26) Sur-tout il convient de simplifier les opérations, et de diminuer les dépenses, les machines, et les bâtimens superflus.
(26) Toutes les papeteries d'Allemagne et de Bohême, toutes celles que je connais en Suisse, négligent ces précautions si importantes de la clarification de l'eau. L'eau, telle qu'elle sort de la source, la même qui fait mouvoir les rouages de la fabrique, sert aussi sous les pilons et dans les cuves. On se contente de mettre à l'entrée des rigoles quelques chiffons de papiers retenus par un grillage, lesquels ne sauraient arrêter les immondices. Il arrive souvent que l'on est obligé de suspendre la fabrication du papier blanc, pour travailler de la matière moins blanche, lorsqu'il survient de grandes pluies qui troublent l'eau. Mais on ne fait aucune, difficulté d'employer de l'eau constamment louche à la fabrication du plus beau papier. Je dois cependant convenir ici que les précautions rapportés dans le texte me paraissent poussées trop loin. On peut à moins de frais obtenir le but qu'on se propose : il s'agit de faire en sorte que la qualité de l'eau contribue à la beauté du papier ; et l'on y réussit en l'employant bien limpide.





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