Manuel Roret du Relieur

 
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Préface

Première partie - Brochage

Deuxième partie - Reliure

Considérations générales

Chapitre 1
Matières employées par le relieur


Chapitre 2
Atelier et outillage du relieur


Chapitre 3
Opérations du relieur


Chapitre 4
Racinage et marbrure de la couverture


Chapitre 5
Marbrure sur tranche


Chapitre 6
Dorure et gaufrure


Chapitre 7
Reliure mécanique


Chapitre 8
Reliures diverses


Chapitre 9
Renseignements divers

   Reliure des grands journaux
   Reliure de quelques gros livres
   Démontage des livres
   Nettoyage des livres
   Moyens de préserver les livres des insectes et des vers
   Moyens de préserver les livres de l'humidité
   Imitations des reliures étrangères
   Procédé de MM. V. Parisot et J. Girard pour donner aux reliures l'odeur et l'aspect du cuir de Russie
   Choix des reliures et conservation des livres

 

 
Nettoyage des livres

On rencontre souvent des volumes couverts de certaines taches très désagréables, qui fatiguent l'oeil de celui qui est jaloux de la propreté, et un relieur ne doit pas ignorer l'art de les faire disparaître.

La blancheur du papier s'altère de deux manières différentes, ou par la vétusté, surtout lorsqu'il est exposé au grand air et à la poussière comme les cartes géographiques, qui ne sont pas ordinairement sous verre ; ou par des taches d'huile, de graisse ou d'encre. Dans le premier cas, le papier devient roux, il prend une teinte plus ou moins jaunâtre, il est comme enfumé ; dans le second cas, tout le monde connaît l'impression désagréable que causent les trois sortes de taches que nous avons signalées.

Les papiers écrits sont ou manuscrits ou imprimés : nous ne connaissons aucun moyen assuré pour enlever sur les manuscrits la teinte jaunâtre que la vétusté leur communique ; on s'apercevra que les procédés que nous ferons connaître pour blanchir les papiers imprimés, tendent tous, ou à faire disparaître l'encre ordinaire, ou à la dissoudre de manière à former sur le papier des nuances partielles plus désagréables que n'était, avant l'opération, la couleur jaunâtre dont il était teint.

Le seul moyen qui nous ait quelquefois réussi, c'est le soufrage. Nous disons quelquefois, car il nous est souvent arrivé, ou qu'il a été impuissant, ou qu'il a affaibli considérablement la teinte de l'encre, quoique nous ayons opéré de la même manière.

Quant au papier blanc ou au papier imprimé, soit livres, estampes ou cartes géographiques, le procédé qui nous a le mieux réussi et que nous recommandons à nos lecteurs, pour nettoyer ces objets, consiste dans l'emploi judicieusement fait de l'acide oxalique qui enlève parfaitement les taches des encres à base de gallate de fer. Cet agent est surtout précieux pour les livres dont les marges sont chargées d'écritures qu'on désire enlever, parce qu'il n'attaque pas l'encre d'imprimerie.

On place la feuille tachée sur une feuille d'étain, du côté de la tache, et on l'humecte abondamment avec une forte dissolution de sel d'oseille, puis on relève le papier, qu'on lave ensuite à grande eau pour éviter les cernes ou cercles qui se produiraient à l'endroit qui a été traité. On étend le papier, on le laisse sécher puis on le satine entre des cartes ou des zincs, par les procédés ordinaires.

Il arrive quelquefois que le papier est sali par des taches de rouille. On les enlève en leur appliquant d'abord une solution d'un sulfure alcalin, qu'on lave bien ensuite, puis une solution d'acide oxalique. Le sulfure enlève au fer une partie de son oxygène, et le rend soluble dans les acides affaiblis.

Presque tous les acides enlèvent les taches d'encre sur le papier ; mais il faut choisir de préférence ceux qui attaquent le moins son tissu. L'acide chlorhydrique, étendu de cinq à six fois son poids d'eau, peut être appliqué avec succès sur la tache ; on la lave au bout d'une ou deux minutes, et l'on répète l'application jusqu'à ce que la tache ait disparu.

L'emploi du chlore, sous forme d'acide chlorhydrique, de chlorure de potasse ou de chaux, est toujours une opération très délicate parce qu'il détruit les fibres du papier et le brûle. Aussi doit-on en neutraliser l'effet, autant que possible, en lavant le papier à grande eau, pour n'en laisser subsister aucune trace.

On se sert encore, pour détacher les papiers, d'une combinaison liquide de chlore et d'alcali caustique, très connue sous le nom d'eau de javelle (chlorure de potasse), étendue d'eau dans la proportion d'une partie sur neuf parties d'eau ; mais ce procédé, malheureusement trop employé à cause de sa simplicité, n'est pas à recommander. On peut atténuer les effets destructeurs de l'eau de javelle en immergeant le papier traité dans un nouveau bain d'hyposulfite de soude, puis en le passant dans un troisième bain d'eau de pluie. La mauvaise qualité des papiers fabriqués actuellement les rend peu propres à supporter ces lavages successifs.

Le seul avantage sérieux que présente l'emploi du chlore, c'est de blanchir le papier et de le détacher, en une seule opération. On peut donc utiliser cette double action, pourvu qu'on agisse avec prudence et qu'on l'élimine entièrement par les lavages que nous venons d'indiquer.

Dès 1860, on a appliqué avec succès l'ozone à l'état de gaz saturé de vapeur d'eau ou d'eau oxygénée au nettoyage des livres et des vieilles gravures.

L'encre d'impression n'est pas sensiblement attaquée par l'ozone quand on ne prolonge pas le traitement ; il est sans action sur les taches de graisse et de moisissure. Les couleurs métalliques n'éprouvent pas de modification, tandis que les couleurs végétales sont complètement détruites. Par contre les encres à écrire sont presque toutes effacées par l'ozone. Il suffit d'un traitement très peu prolongé pour enlever l'écriture et pour rendre au papier toute sa blancheur.

Il est vrai de dire qu'après quelque temps l'encre ainsi enlevée reparaît d'une couleur jaune pâle et qu'on peut la fixer de nouveau sur le papier par les réactions de l'oxyde de fer. Mais si après avoir traité par l'ozone le papier taché, on le passe dans une eau acidulée par quelques gouttes d'acide chlorhydrique, on empêche entièrement la réapparition de l'encre.

M. J. Imison a indiqué un procédé facile à exécuter pour enlever les taches de graisse sur les livres et les estampes. Après avoir légèrement chauffé le papier taché de graisse, de cire, d'huile, ou de tout autre corps gras, ôtez le plus que vous pourrez de cette graisse avec du papier brouillard ; trempez ensuite un pinceau dans l'huile de térébenthine presque bouillante (car froide elle n'agit que faiblement), et promenez-le doucement des deux côtés du papier, qu'il faut maintenir chaud. On doit répéter l'opération autant que la quantité de graisse ou l'épaisseur du papier l'exige. Lorsque la graisse a disparu, on a recours au procédé suivant, pour rendre au papier en cet endroit, sa première blancheur. On trempe un autre pinceau dans l'esprit-de-vin très rectifié, et on le promène de même sur la tache, et surtout vers ses bords, pour enlever tout ce qui paraît encore. Si l'on emploie ce procédé avec adresse et précaution la tache disparaîtra totalement, le papier reprendra sa première blancheur ; et si la partie du papier sur laquelle on a travaillé était écrite ou imprimée, les caractères n'en auront nullement souffert.

La benzine et le sulfure de carbone sont également d'un bon usage.

Une faible dissolution de potasse ou de soude caustique enlève avec facilité les taches huileuses ou graisseuses sur les papiers, les estampes, les livres ; mais il faut que ces derniers soient en feuilles, sans cela on aurait beaucoup de peine à les dégraisser parfaitement, et l'opération ne se ferait jamais avec propreté.

Il nous suffit de dire que la dissolution de potasse ou de soude doit marquer un degré et demi à l'aréomètre de Baumé. Le procédé de M. Imison doit être préféré lorsque les taches ne sont pas considérables, et qu'on peut les enlever sans découdre le volume.

Le relieur est quelquefois sujet, en faisant ses marbres, de tacher les feuilles avec les couleurs nommées écailles, que beaucoup d'entre eux croient qu'il est impossible de faire disparaître. L'eau de javelle les enlève entièrement, de même que le chlorure de chaux. Il suffit de plonger la feuille dans un de ces deux liquides, jusqu'à disparition de la tache, ce qui n'existe que peu de temps ; ensuite de la plonger dans l'eau ordinaire, pendant un temps double à peu près qu'elle n'est restée immergée dans le liquide.

Il arrive quelquefois qu'on laisse tomber de l'encre sur un feuillet d'un volume relié, et qu'on craint de ne pas l'enlever proprement par les moyens que nous avons indiqués, parce que la tache est près de la couture. Voici le procédé que nous avons vu employer avec succès par M. Berthe : cet artiste mouille un gros fil plus long que le volume ; il le passe sous le feuillet près de la couture, et le promène dans sa longueur. Le papier d'impression, qui est ordinairement sans colle, est bientôt humecté dans cette place, en sorte qu'il cède au moindre effort. Alors on détache le feuillet, on le nettoie, on passe un peu de colle sur son épaisseur, on le remet en place adroitement et la réparation ne paraît pas du tout.






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