Art de faire le papier

 
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Avertissement

1ère partie - Art de faire le papier

§. 8
Art de faire le papier


§. 9 - §. 27
Histoire & origines

  - Du papier des Romains
  - Origine du papier de coton
  - Origine du papier de chiffons

§. 28 - §. 68
De la matière au lavoir


§. 69 - §. 199
Des moulins


§. 200 - §. 319
De la matière affinée au collage


§. 320 - §. 351
De l'étendoir au lissoir


§. 352 - §. 380
Tri & formation des rames


§. 381 - §. 385
Du papier coloré


§. 386 - §. 389
De l'influence des saisons


§. 390 - §. 435
Papiers de Hollande & différents pays


§. 436 - §. 511
Des réglements qu'on a fait en France


§. 512 - §. 555
Des différentes matières qui pourraient servir à faire du papier


§. 556 - §. 596
Papiers de Chine & du Japon


2ème partie - Planches & Explications des planches

 

 
Du papier des Romains

9. Le papier qui a été le plus long-tems employé chez les Romains et les Grecs, était formé avec l'écorce d'une plante aquatique d'Egypte. Suivant la description que Pline nous donne de cette plante, d'après Théophraste, elle a neuf ou dix coudées de hauteur ; sa tige est triangulaire, de grosseur à pouvoir être renfermée dans la main. Sa racine est tortueuse ; elle se termine par une chevelure ou panache composé de pédicules longs et faibles. Elle a été observée en Egypte par Guilaudin, auteur du seizième siècle, qui nous a donné un savant commentaire sur les chapitres de Pline, où il est parlé du papier. Celle plante est aussi décrite dans Prosper Alpin et dans Lobel.

Voici les noms qu'elle porte dans les botanistes modernes, que l'on pourrait consulter, si l'on désirait de plus grands éclaircissemens sur cet article :

10. Papyrus Syriaca et Siciliana. C. Bauhini, in Pinace, 12.

Cyperus niloticus vel syriacus maximus papyraceus, Morissonii historiae, tit. 3, 239.

Cyperus enodis nudus, culmis e vaginis brevibus prodeuntibus, spicis tenuioribus, Scheuch. gram. 387.

Cyperus omnium maximus papyrus dictus, (Mont. gram. 14.)locustis minimis. Mich. Gen. 44, tit. 19.

Cyperus culmo triquetro nudo, umbella simplici foliosa, .pedunculis simplicissimis distiche spicatis : Royen, Horoe Leidensis 50. Linnaei Specierum, p.47 (7).

11. Les Egyptiens la nomment berd, et ils mangent la partie de cette plante qui est proche des racines (8).

12. Il croit aussi dans la Sicile une plante nommée papero, qui ressembla beucoup au papyrus d'Egypte (9); elle est décrite dans les Adversaria de Lobel. Ray et plusieurs autres après lui ont cru que c'était la même espèce ; cependant il ne paraît pas que les anciens aient fait aucun usage de celle de Sicile ; et M. Bernard de Jussieu ne croit pas qu'on doive les confondre, surtout en lisant dans Strabon que le papyrus ne croissait que dans l'Egypte ou dans les Indes (10). On peut voir à ce sujet ce qu'ont écrit Pline, liv. 13, ch. 11 ; Guilandin, dans un ouvrage imprimé à ce sujet en 1576 ; le P. de Montfaucon, dans le sixième tome des Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; les RR. PP. Bénédictins, dans leur traité de diplomatique, et sur-tout M. le comte de Caylus, dans un mémoire très-détaillé et très-savant, qu'il a donné en 1758 à l'Académie des Inscriptions (11). C'est de ce mémoire que nous allons extraire un abrégé de la manière dont le papier se préparait à Rome (12).

13. L'écorce extérieure de la plante ne servait point à former le papier : les lames intérieures étaient les plus recherchées ; de là vient qu'on distinguait, dans le papier de Rome, plusieurs qualités et plusieurs prix.

14. Le papier de Saïs était composé des rognures de rebut, que l'on portait dans cette ville.

15. Le papier lénéotique, ainsi nommé d'un lieu voisin, se faisait avec les lames qui touchent de plus près l'écorce, et se vendait au poids, n'ayant aucun degré de bonté.

16. Après ces lames qui suivaient immédiatement l'écorce, on trouvait la matière propre du papier, qui s'employait de la manière suivante.

17. On assemblait sur une table des lames de toute la longeur qu'on pouvait conserver, et on les croisait d'autres lames transversales, qui s'y collaient par le moyen de l'eau et de la presse ; ainsi ce papier était tissu de plusieurs lames ; il paraît même que du tems de Claude on fit du papier de trois couches (13).

18. Pline nous apprend aussi que l'on faisait sécher au soleil les lames ou feuillets de papyrus ; on les distribuait ensuite suivant leurs différentes qualités propres à différentes espèces de papier : on ne pouvait guère séparer dans chaque tige plus de vingt lames.

19. Le papier des Romains n'avait jamais plus de treize doigts de largeur, encore était-ce le plus beau, tel que celui de Fannius. Ce papier, pour être parfait, devait être mince, compact, blanc et uni ; caractères qui sont presque les mêmes que nous exigeons dans notre papier de chiffons. On lissait le papier avec une dent ou une coquille ; cela l'empêchait de boire l'encre, et lui donnait de l'éclat.

20. Le papier des Romains recevait une colle aussi bien que le nôtre, et cette colle se préparait avec de la fleur de farine détrempée dans de l'eau bouillante, sur laquelle on jetait quelques gouttes de vinaigre, ou avec de la mie de pain levé, détrempée dans de l'eau bouillante et passée par l'étamine. Ensuite on battait ce papier avec le marteau ; on y passait une seconde colle, on le remettait en presse, et on l'étendait à coups de marteau. Ce récit de Pline est confirmé par Cassiodore, qui, parlant des feuilles de papyrus employées de son tems, dit qu'elles étaient blanches comme la neige, et composées d'un grand nombre de petites pièces, sans qu'il y parût aucune jointure : ce qui semble supposer nécessairement l'usage de la colle.

21. La description précédente de la fabrication du papier en Egypte et à Rome, n'est qu'un extrait de ce que Pline en rapporte, livre XIII, chapitre 12 : extrait que j'ai cru ne devoir faire que d'après la traduction et les notes savantes que M. le comte de Caylus a insérées dans son mémoire.

22. Au reste, le papyrus d'Egypte était connu même du tems d'Homère ; mais ce ne fut, suivant le témoignage de Varron, que vers le tems des conquêtes d'Alexandre, qu'on commença à le fabriquer avec les perfections que l'art ajoute toujours à la nature.



(7) Papyrus nilotlca. Gérard. 3j, eman. 40.
(8) Guilandin a vu, il n'y a pas deux siècles, les habitans des bords du Nil, manger la partie inférieure du papyrus, comme on le pratiquait anciennement ; ce qui prouve que la plante n'est par perdue, quoiqu'on ait cessé d'en faire usage et de s'en occuper.
(9) Quoiqu'il ne s'agisse pas ici de botanique, cependant il convient, ce semble de donner une idée de la plante dont on vient de détailler les divers noms. Le papyrus, espèce de roseau du Nil, jette une racine tortueuse, de la grosseur du poignet ; sa tige triangulaire s'élève de six à sept coudées au-dessus de l'eau ; elle va toujours en diminuant, et aboutit en pointe au sommet de la plante qui est une espèce de panache dont les feuilles sont obtuses, comme celles du typha de marais.
(10) Le papyrus de Sicile, nommé par Cesalpin pipero, pousse des tiges plus longues et plus grosses que le papyrus d'Egypte; elles sont garnies de feuilles courtes qui naissent de la racine : on n'en voit aucune sur la tige ; mais elle porte à son sommet un large panache composé d'un grand nombre de pédicules triangulaires en forme de jonc, a l'extrémité desquels sont placés entre trois petites feuilles, des épis de fleurs de couleur rousse. Les racines sont ligueuses ; elles jettent des branches semblables à celles du souchet, mais d'une couleur moins brune. De leur surface inférieure sortent plusieurs menues racines ; de la supérieure, s'élèvent des tiges qui, tant qu'elles sont tendres, contiennent un suc doux.
(11) M. Poivre a rapporté de Madagascar une troisième espèce de papyrus. Les habitans du pays le nomment sanga-sanga. II porte un panache composé d'une touffe de pédicules très-minces, entre lesquels on n'aperçoit aucune fleur. Les feuilles sont disposées en rayons autour du panache, la tige est haute de dix pieds et plus, sans noeuds et fort lisse, de la grosseur d'un baton qu'on peut entourer avec la main ; elle va toujours en diminuant. On emploie l'écorce à faire des nattes. Les sauvages en font aussi les voiles et les cordages de leurs bateaux, et des cordes pour leurs filets.
(12) Il est plus vraisemblable que le papier qui se vendait à Rome, était préparé sur les lieux où la plante croît. Pline en décrit amplement la fabrication, liv. XIII, chap. II ; et il observe qu'on sépare avec une aiguille la tige du papyrus en lames fort minces, et aussi larges qu'il est possible, dont on compose les feuilles de papier.
(13) Le papier qui n'avait pas trois couches était trop fin, il ne soutenait pas la plume, qui était un roseau taillé exprès, D'ailleurs, sa transparence faisait que les caractères s'effaçaient les uns les autres.





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